Tout dernièrement, à Ajaccio puis Bastia, signature de son dernier ouvrage « Belle et rebelle ma France » par Nadim Gursel.
Les trompettes de la renommée ont retenti depuis longtemps à la gloire de l’auteur. Ses lecteurs de Corse ont témoigné de leur fidélité une fois de plus. L’année dernière, l’intellectuel franco-turc avait présenté son livre « Une idée neuve en Europe ». Il avait prolongé sa dédicace à la librairie bastiaise de la rue Napoléon d’une conférence sous les ogives de l’antique monastère de Santa Catalina à Sisco. L’assistance nombreuse participa au débat. Cette fois, l’écrivain nous présente sa découverte de la vraie France et de ses habitants, à travers les pérégrinations et les haltes de son existence. Un genre littéraire devenu jadis populaire à travers un livre de l’école primaire décrivant la randonnée initiatique du jeune « compagnon du tour de France ». L’écrivain nous montre cette France qu’il a appris à connaître et aimer de l’Ouest à l’Est et du Nord au Sud dans les villes grandes et petites où il a séjourné au cours de ses errances. Ce tour de ville en ville s’est étalé dans le temps depuis une nuit de Noël glaciale de 1972. Seul et désespéré, loin de son pays et de ses amis emprisonnés l’étudiant pauvre était entré dans la cathédrale pour se réchauffer. Le sermon d’un prêtre le sauva du suicide. Il était né une seconde fois. D’un lieu à l’autre il peint le tableau de la France et de la Turquie qu’il aime par les rappels mémoriels entre diverses cités et Istambul. Et, en même temps c’est un portrait de lui-même que nous voyons apparaître. L’homme de liberté et de justice méditant sur les procès de Jeanne d’Arc et d’Urbain Grandier. Et surtout le poète, rapprochant ceux des deux langues. Aussi le livre est-il écrit dans une prose poétique. On lit avec délectation ses rêveries d’un promeneur solitaire et son amour du bleu du ciel et de la mer dans la Baie des Anges (Sait-il que la langue corse donne au bleu le nom de « turchinu » et nul autre ?) Et puis voici, bien sûr, « l’île de Napoléon » que lui a fait connaître Danièle Maoudj, son hôtesse, lors de ses visites dans le « dernier Orient de la France ». Nous avons beaucoup apprécié l’intuition de l’auteur qui lui fait dire que Mérimée a percé à jour l’âme des Corses, et qu’il lui plaît toujours de relire certains passages de Colomba chaque fois qu’il vient en Corse. « Mérimée, nous dit-il, a fait de l’île elle-même, avec son histoire et sa géographie le véritable héros du roman. » Nedim Gursel fait le rapprochement entre les vengeances de sang et les complaintes que l’on trouve dans « Colomba » et celles qui sont dans l’œuvre de l’écrivain turc Yasar Kemal. Celui-ci et Mérimée ont fait appel à la tradition orale « Ils ont réussi magistralement à donner sa place à la tradition populaire. » C’est strictement vrai pour Mérimée tout au moins. Les racines de la poésie corse se trouvent dans cette poésie primitive et orale du peuple corse, longtemps méprisée par les lettrés insulaires .Gursel est fasciné, à bon escient, par les vers des poètes français, ces magiciens de leur langue. Mais puisque le voyage n’a pas de fin, nous lui souhaitons bonne route avec ces deux vers d’un grand poète franco-corse : « Ce n’est pas le soleil qui nous montre la voie, et qu’importe la nuit s’il fait clair en mon cœur »
Marc’Aureliu Pietrasanta