Aline a sept ans lorsque sa maman vient de mettre fin à ses jours. Dix ans plus tard, l’adolescente tente, à son tour, de se suicider. Elle avale une poignée de médicaments et s’endort sur son lit, les écouteurs de son walkman sur les oreilles. Lorsqu’elle se réveille, bien vivante, elle est solidement attachée à un lit d’hôpital. Après de vaines protestations, elle doit se rendre à l’évidence : elle est prisonnière du système hospitalier. « Sous l’entonnoir » est un récit autobiographique, en bande dessinée. Rencontre avec Sibylline, la scénariste, et Natacha Sicaud, le dessinatrice.
Sibylline, « Sous l’entonnoir » est un récit autobiographique qui retrace une période douloureuse de votre vie d’adolescente. Est-il difficile de livrer aux lecteurs des événements et sentiments si intimes ?
Sibylline : C’est difficile de savoir ce qui motive profondément le choix d’un sujet pour un scénario. « Sous l’entonnoir » a principalement été initié par David Chauvel. Il m’a dit : « Ecris, n’importe quoi, mais écris. » Alors, hop, j’ai commencé tout ça sans trop vraiment envisager d’en faire quoi que ce soit. C’était juste après mon album « Première Fois », dans une grande période de vide où il était parfaitement angoissant de se relancer dans l’aventure. C’était une histoire à portée de doigt, que je connaissais déjà, et pourtant jamais envisagée jusque là. Mais c’était ce qui paraissait le plus évident, le plus facile à raconter, peut-être parce que je connaissais déjà la fin.
Quel regard portez-vous à présent sur cette période de votre vie ?
Sibylline : Quand l’écriture du scénario s’est achevée, j’ai eu une immense bouffée de panique, sur ma légitimité à parler de tout ça. De l’hôpital, des traitements, des patients. J’ai pris rendez-vous, pour récupérer mon dossier. Le temps passant, les événements sont moins vifs, et tout à coup, ça me paraissait assez banal, bien trop intégré. Se replonger dans cet endroit, le temps d’une après-midi, se sentir touriste, curieuse, alors que j’avais fait partie des murs pendant quelques semaines, c’était assez déconcertant.
Natacha Sicaud, qu’est-ce qui vous a donné envie de dessiner le scénario de Sibylline ?
Natacha Sicaud : J’avais déjà été contactée par Sibylline pour participer à « Premières Fois », et je n’avais pas pu faire partie du projet faute de temps. Quand elle est revenue vers moi avec son scénario, le sujet avait bien changé, mais j’ai tout de suite été touchée par son histoire : suivre un personnage qui traverse une épreuve comme celle-ci et qui doit comprendre, se « restaurer », survivre, ça m’intéresse vraiment.
Quelle a été votre méthode de travail pour mettre en dessin ses pensées et ses émotions intimes ?
Natacha Sicaud : La difficulté pour moi, c’était de ne pas trahir le texte et les souvenirs de Sibylline tout en ayant une vision personnelle du récit. Je ne voulais pas non plus être caricaturale ; Aline était Sibylline pour moi au début de mes recherches, et puis au fur et à mesure du travail, elle est devenue Aline.
Francescu Maria Antona