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Rencontre : Yves Boisset

jeudi 1er mars 2012, par Journal de la Corse

Depuis une vingtaine d’années vous avez plus tourné pour la télévision que pour le cinéma. Pourquoi ?

Les sujets qui m’intéressaient : « L’affaire Dreyfus », « Jean Moulin », « L’affaire Salengro » et d’autres films qui parlent de quelque chose j’ai pu, en effet, les réaliser pour la télévision sur laquelle a longtemps plané un silence assourdissant dès que des thèmes dérangeants étaient abordés. Mais cette ouverture se termine puisque le pouvoir nomme les directeurs de chaînes. En somme c’est du direct du producteur au consommateur !

En contrepoint des possibilités se dessinent-elles du côté du cinéma ?

Il semble que l’approche des présidentielles s’y prête… Sur ce plan on n’a d’ailleurs pas tout vu et des surprises ne sont pas à exclure parce que les sondages sous-évaluent le score du FN.

On dit que vous faites des films politiques. Mais vous ne seriez pas très d’accord sur ce qualificatif. En quoi vous gêne-t-il ?

Rien ne me gêne !.. Si ce n’est que la politique est un cas particulier de la morale et je fais plus des films de morale que de politique. Au demeurant je n’ai jamais eu la carte d’un parti et mes films ont pu embarrasser la droite et la gauche. A preuve les ennuis que m’a causé Michel Charasse, ministre PS du budget avec un contrôle fiscal carabiné assorti de menace de faire de même avec mes producteurs lorsque je préparais un film sur la Françafrique et le commerce des armes, spécialité bien française.

Lequel de vos films a été le plus dur à mettre sur pied ?

Certainement pas « Le taxi mauve », histoire d’amour tourné en Irlande, adapté d’un roman de Michel Déon. Au cinéma de « RAS », sur la guerre d’Algérie à « Dupond Lajoie » sur le racisme ordinaire les difficultés on été nombreuses. Pour « L’attentat », sur l’affaire Ben Barka je m’en suis tiré en réunissant une affiche très prestigieuse de comédiens. Pour la TV j’ai eu beaucoup de mal avec « Le pantalon » qui parlait des fusillés pour l’exemple et que l’armée voulait empêcher. Sur une cinquantaine de films une trentaine a eu des démêlés avec la censure politique ou économique.

Dans un pays comme la France il est aisé à un pouvoir de contrecarrer un film ? De le rendre impossible ?

Un coup de téléphone suffit puisque les chaînes de tv sont dépendantes du pouvoir. Puisque le financement de l’industrie cinématographique est subventionné par l’État. Puisque rien n’est plus simple que d’exercer des pressions économiques, les producteurs ne risquant plus leur propre pognon aujourd’hui.

Entre la ligne et le fric quelle marge de manœuvre ?

Une réalisation de « Blanche Neige » posera moins de problèmes qu’un sujet social ou politique ! En ce cas on sait d’emblée qu’il y aura des difficultés. A la sortie du « Juge Fayard, dit le Sheriff » le SAC m’a, entre autres, cassé le nez, détruit ma voiture, et poursuivi en diffamation.

Mais la censure n’est pas toujours gagnante auprès de l’opinion ?

Elle peut se trouver dans la situation du monsieur qui fait pipi contre le vent. C’est arrivé pour « Le juge Fayard » et pour « Le condé » à l’époque du ministre Marcellin.

La droite ou la gauche aux commandes ça fait une différence ?

Pas quand des institutions sont mises en cause !

Traiter de l’affaire Erignac vous intéresserait ?

Certainement, mais j’ai du mal à avoir une vision claire des problèmes particuliers de la Corse. Je ne suis pas assez au courant.

Pour quelles raisons ce subit engouement pour porter au petit écran des affaires insulaires récentes ?

Sauf peut-être chez Santana ces réalisateurs n’osent pas les partis pris réels, or ce genre de sujets ne se traite qu’avec conviction. Là, ils ouvrent le robinet d’eau tiède.

En tant qu’auteur de « Dupont Lajoie » que pensez-vous de ces comédies italiennes actuelles surfant sur un racisme apparemment « bon enfant » ?

Rigoler de blagues à tonalité raciste peut déboucher sur une vraie violence, c’est ce que montre « Dupont Lajoie », qui, malheureusement, n’a pas vieilli.

Propos recueillis par M.A-P

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