Accueil du site > Culture > Rencontre : Xavier Tavera
 

Rencontre : Xavier Tavera

jeudi 5 avril 2012, par Journal de la Corse

Comment avez-vous abordé cette pièce de Koltès qui tient une place à part dans son œuvre ?

Après « Roberto Zucco » et « Quai Ouest » c’est la 3ème fois que je joue une pièce de Koltès, et toujours de façon décalée. Là, parce que Pierre-Laurent, qui interprète le client, s’exprime en corse. Dans « Quai ouest » parce que l’œuvre était donnée en turc à Istanbul et que mon personnage était silencieux. Dans « Roberto Zucco » parce que j’ai participé à une version chorégraphique. Donner la réplique en français à quelqu’un qui parle en corse implique une écoute particulière parce que les deux langues portent des univers différents d’où des sensations qui ne sont pas les mêmes.

La particularité de « Dans la solitude des champs de coton » ?

L’articulation n’a rien de classique. Pour Koltès c’était un exercice d’écriture, et une méditation philosophique à l’instar d’écrits du siècle des Lumières. Chéreau a dû s’y reprendre à trois fois avant de trouver une mise en scène qui soit satisfaisante à ses yeux et qui emporte l’adhésion du public !

Dans ce texte très fouillé qu’est-ce qui est le moins évident pour un acteur ?

Je n’ai pas encore exploré à fond le personnage ni déverrouillé toutes ses facettes. Cela viendra au fur et à mesure des représentations. Entre le dealer que je joue et le client il y a interaction et des situations interchangeables. De plus comme dans les chjami è rispondi il faut intensément écouter l’autre pour pouvoir rebondir sur ce qu’il dit, puisqu’on reprend ses mots et ses argumentations… Ce texte est plein de sous-entendus. Plein de double sens. Il n’a rien d’un discours fermé.

Comment avez-vous travaillé avec votre partenaire, Pierre-Laurent Santelli, et avec le metteur en scène, François Bergoin ?

Avec Santelli il était indispensable que l’entente soit bonne et c’est ce qui est arrivé. Entre nous il fallait que s’établisse des rapports de complicité, car c’est primordial pour le spectacle. Avec Bergoin c’est la 2e pièce que j’interprète. Il laisse aux comédiens beaucoup de latitude. On a avancé par petites touches.

La tonalité dominante de ce texte ?

Même s’il y a des tentatives de rapprochement entre dealer et client la vision de Koltès sur l’humain est très sombre. Comme dans ses autres pièces son appréhension de l’homme est désespérée malgré des aspects solaires.

Un dialogue avec un acteur qui s’exprime en corse tandis que vous vous adressez à lui en français est-ce une réelle difficulté ?

Forcément… Le corse je le comprends, mais la langue de Koltès, remarquablement traduite par Biancarelli, est difficile et pleine de subtilité d’où la nécessité d’être concentré et de déployer beaucoup d’énergie. Ce qui est passionnant c’est que chaque langue amène quelque chose qui lui est propre.

Ce rôle du dealer que représente-t-il pour vous ?

Beaucoup de plaisir car j’ai été heureux de retrouver Koltès dont le texte est si ample qu’il apporte chaque soir de nouvelles surprises, de nouvelles sensations… Dans mon travail d’acteur je ne peux qu’être content de ce rôle.

Les étapes essentielles de votre parcours artistiques ?

J’ai peu fait d’école, mais des stages, oui… ainsi que de nombreux ateliers qui m’ont conduit à travailler avec DG Gabily, avec Claude Régy, avec Nicolas Klotz, avec Hubert Colas.

Pourquoi ce choix du métier de comédien ? Qu’en attendez-vous ?

Je pourrais répondre que c’est un choix par élimination ! que je ne suis bon qu’à ça ! (rire). En fait l’impulsion de départ je l’ai ressenti en regardant Pierre Desproges. Ce sont ses sketches qui m’ont donné envie de faire de la scène. Ça fait maintenant une vingtaine d’années que je vis de mon métier. J’ai appris à savoir refuser des rôles ; à savoir dire non pour ne pas me laisser bouffer. Je sais encore qu’il ne faut pas faire toujours les mêmes choses avec les mêmes gens.

Propos recueillis par M.A-P

Répondre à cet article