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Rencontre : Rosa Alice Branco

jeudi 19 avril 2012, par Journal de la Corse

Poète, essayiste, philosophe, docteur de l’université de Porto, enseignante à l’école supérieur d’Arts et Design de cette ville, de ces activités multiples laquelle a votre préférence ?

Ce que j’aime le plus c’est écrire de la poésie… Mais une poésie qui n’exclut pas de poser des problèmes de philosophie. D’ailleurs ma réflexion philosophique peut fort bien prendre la forme de l’essai ou du poème. Mes recherches philosophiques et scientifiques peuvent tout à coup susciter en moi des questions qui, en m’interpellant, déclenchent un poème. En fait toutes mes activités sont liées : au cours d’une journée il n’y a pas de séparations entre elles !

Qui est à l’origine de votre rencontre avec la langue corse ? A quelle occasion a-t-elle eu lieu ?

Je pourrais dire que le responsable de cette découverte est Pessoa ! C’était dans un café de Lisbonne lors d’un festival, Jacques Thiers occupait la table du grand auteur Portugais. En l’écoutant j’ai beaucoup aimé la sonorité de ses poèmes. Invitée ensuite à un débat à Corte j’ai beaucoup apprécié la poésie de Gattaceca : j’avais l’impression de tout comprendre et d’être dans une ambiance connue. Cela m’a énormément frappé. Il faut reconnaitre que corse et portugais ont des résonances voisines.

Pourquoi traduire des poètes en langue corse dont l’audience – faute d’un large public – est pour le moins limitée ?

Parce que je ne veux pas que la littérature du monde soit amputée de richesses littéraires au prétexte que des langues sont peu répandues et ne parviennent pas au Portugal. C’est pourquoi j’ai organisé un festival avec des invités bulgares, roumains, québécois, corses… Si à l’écoute j’ai aimé le corse, en venant ici je suis devenue une passionnée de l’île. En outre, Corses et Portugais partagent des valeurs semblables. Des manières de réagir semblables. Voilà qui explique sans doute que les Portugais s’intègrent facilement ici.

Les apparentements, les cousinages les plus évidents entre langues corse et portugaise ?

Elles ont des sonorités communes et elles partagent des mots similaires. Au niveau de la structure elles se rapprochent également. L’une et l’autre sont des langues fluides. Toutes deux ont une douceur. Une harmonie.

Les difficultés à surmonter quand on traduit du corse en portugais ?

Éviter de tomber dans les pièges des faux amis qui sont nombreux. Une traduction loyale exige toujours de trouver des équivalences et de ne pas se cantonner à la lettre. D’où un travail à faire sur la sonorité puis sur le dévoilement du sens qui soit un enrichissement. On doit respecter la langue de départ et la langue d’arrivée.

Comment caractériser votre poésie ?

Je dirais qu’elle est cinématographique. Je travaille mon poème comme un cinéaste travaille les plans de son film. Je recours à la narration poétique. A l’instar de mes livres mes poèmes sont unifiés par un thème. La mer revient constamment dans ce que j’écris. Ce n’est pas moi qui vais la chercher, c’est elle qui vient à moi dans mes poèmes.

La souffrance telle que la sacralise le christianisme n’est pas votre tasse de thé. Pour quelles raisons ?

Je voudrais un Christ qui n’ait pas besoin de souffrir et de mourir pour nous sauver ! Je crois qu’il faut aimer le bonheur, travailler à être heureux et à rendre les autres heureux. Leibniz m’a donné le goût de la vie et l’envie de raviver les petites choses endormies en nous… N’oublions jamais qu’on ne réveille pas la Belle au Bois Dormant avec un coup de poing, mais avec un baiser !

Pour vous qu’est-ce que la poésie ?

Une transfiguration de ce qu’on ressent et en tous cas pas une manière de déballer des sentiments. Dans un poème, dans un livre il y a ce qu’on dit et la façon dont on le dit qui est le style. Mais dans chaque livre, chaque poème il y a une nouvelle écriture.

Propos recueillis par M.A-P

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