Pourquoi cet intitulé « Anima » ?
J’adore la philosophie et surtout la métaphysique. J’aime lire les philosophes grecs, Platon, Aristote. Les vitrines que j’expose sont un travail sur l’âme.
Avez-vous une manière particulière de travailler ?
Je travaille à la Mary Poppins ! Mon bureau c’est ma table de coupe de couture où tout est posé, où tout s’entrecroise, tout ce que les gens ne verront jamais : les points, le bâti, le fil, le patron … Bref, tout l’envers du décor … Il y a aussi ma fascination pour la peinture toujours présente.
Vos matériaux ?
La tarlatane qu’on emploie pour confectionner les chapeaux. L’organza de soie qui est une technique de tissage. Le tulle. Le fil. Le papier de soie. Les dentelles que je dessine.
Dans le texte de présentation de votre exposition vous vous référez à l’Égypte ancienne, à la préhistoire, aux mythes. Pour quelle raison ?
Sans le savoir, sans en être conscient souvent, on est imprégné de culture religieuse. Pour éviter de tomber dans la proximité très étroite qu’on entretient avec notre environnement judéo-chrétien je me suis tournée vers les croyances pharaoniques. C’est une façon d’aller à l’essentiel. Quant à la préhistoire c’est une période fondatrice. Ne cultive-t-on pas tous le mythe des origines !.. Je ne crois pas en un temps linéaire mais en un temps circulaire d’où la présence de la spirale dans mon travail.
Dans vos œuvres y- a-t-il aussi référence à la Renaissance italienne ?
C’est pour moi l’aboutissement, la perfection technique au niveau de la figuration. C’est une façon d’exprimer la volonté d’être au plus près de la réalité. Les visages chez Léonard de Vinci c’est une apothéose.
D’où ces trois pièces qui sont une évocation directe du maître de la Renaissance ?
Ces visages de la peinture sont si célèbres que les gens finissent par les porter en eux. En les reprenant à mon compte je procède à quelque chose qui s’apparente à leur exhumation par le dessin. Une manière de tenter de savoir qui étaient ces jeunes femmes ? A quoi pensaient-elles en posant ? Cette expérience s’est avérée très forte ! Cela m’a permis également de soulever la question de la peinture. De sa disparition ou de sa renaissance aujourd’hui.
Vos attirances pour la philosophie et pour le monde du spectacle ne sont-elles pas contradictoires ?
La philosophie aborde la question de l’être avant tout et le théâtre aussi ! Shakespeare n’a-t-il pas dit que le monde entier est une scène ? Ne joue-t-on pas tous un rôle ? Mais au fond est-ce bien un jeu et se le demander c’est déjà de la philosophie. Il y a un lien étroit entre celle-ci et le monde du spectacle. Dans le théâtre antique, par la danse et par la voix, on retrouve l’idée d’un temps circulaire où il n’y a pas une vérité mais des vérités et c’est encore et toujours de la philosophie.
Comment l’idée des vitrines vous est-elle venue ?
Ici, elles sont sorties de leur contexte car je les ai réalisées pour les exposer dans le sol des ruelles de mon village. C’est un travail sur les prénoms répertoriés dans les registres paroissiaux du XVIIIe siècle et sur ce qu’ils évoquent.
Leur propos ?
Réalisées à partir de ces petits riens qu’on glane enfant et dont on fait des trésors : bouts de bois, cailloux, écorces, fougères … ces vitrines tiennent de l’ex-voto, du reliquaire, du globe de mariée. Protégés dans leurs boites aux couvercles de verre ces objets deviennent précieux et ainsi sont transcendés.
Vous êtes plasticienne, metteur en scène, costumière, illustratrice, un impératif que ces activités plurielles ?
C’est parce que je ne suis pas carriériste. Parce que je fonctionne aux rencontres. C’est seulement à la fin de ma vie que je pourrais dire : j’ai été plutôt ceci ; plutôt cela !
Propos recueillis par M. A-P