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Rencontre avec Maati Kabbal

jeudi 8 décembre 2011, par Journal de la Corse

Journaliste et écrivain, Maati Kabbal est en charge des débats et des rencontres des « Jeudis de l’IMA ». Marocain, travaillant à l’Institut du Monde Arabe de Paris il était le modérateur du débat autour des printemps arabes au festival Arte Mare.

L’esquisse des printemps arabes se profilait-elle dans le cinéma du Moyen Orient et du Maghreb ?

On voyait des prémisses chez Youssef Chahine. On pouvait en lire des signes annonciateurs chez le réalisateur marocain, Nabil Ayouch, lorsqu’il traitait des enfants des rues par exemple, et dans le cinéma syrien, en particulier dans le documentaire. Souvent l’humour servait de révélateur.

Le soutien des dictatures par l’Occident a-t-il réellement fait le jeu de l’islamisme ?

Par un soutien financier, militaire, technique il a contribué au maintien des régimes dictatoriaux, qui en se présentant comme soi-disant démocratiques se posaient en rempart contre l’islamisme. Par ailleurs le tourisme a encore plus cruellement fait ressentir aux gens leur misère, avec pour conséquence de renforcer les courants islamistes.

L’Islam est-il l’expression identitaire des peuples des printemps arabes à l’image de l’Iran révolutionnaire de la période 1979-1980 ?

Il faut prendre en compte la violence de l’intervention américaine en Irak, l’occupation israélienne en Palestine, ou l’affaire de l’Afghanistan qui apparait comme une agression même si elle se déroule loin. A cela s’ajoute le hiatus économique croissant entre le nord et le sud à l’origine d’une émigration massive. Voilà autant de facteurs expliquant ce besoin d’Islam fonctionnant comme expression identitaire et comme phénomène capable de souder les peuples. Il est en outre indispensable de retenir que l’islamisme est pluriel ce qu’à trop schématiser l’Occident veut ignorer.

Quelles différences entre les révoltes du pain des périodes précédentes et les événements actuels ?

Aujourd’hui la revendication est totale. Elle ne se limite pas au pain. Elle est exigence de dignité, de liberté, de changement de société.

Pourquoi simultanément à ces aspirations à la liberté les violences faites aux femmes sont-elles en recrudescence en Égypte en particulier, ainsi que l’illustre le film de Mohamed Diab, « Les femmes du bus 678 » ?

C’est le résultat de la misère psychologique et de la misère matérielle des hommes. En cause également le non respect de l’espace de la vie privée qui va grandissant … et cette façon que les Occidentaux ont de vouloir imposer leurs valeurs aux autres !

Quelle place des islamistes peuvent-ils faire aux femmes ?

S’ils veulent tenir dans la durée, il leur faut les compétences féminines. Et les femmes sont compétentes. Une société ne peut s’en passer.

Démocratie et islamisme sont-ils compatibles ?

Les partis islamistes ont une conception du pouvoir qui allie étroitement le religieux et le politique. Alors que l’économie est laissée au champ de l’interprétation, la politique doit être en adéquation avec l’éthique de l’Islam. Une démocratie alchimie réussie des valeurs de l’Islam et de l’Occident est à inventer. Quelle serait-elle ? Je ne suis pas devin… Mais soyons pragmatiques et sortons de l’anathème !

Dans ce contexte quel sort faire à la laïcité ?

Avant tout il y a nécessité de discuter, de débattre et de se garder d’appliquer des notions venues d’ailleurs car la greffe ne prendrait pas.

Propos recueillis par M.A-P

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