« Parfois le paysage érode l’autoportrait tant ses éléments sont forts, et c’est intéressant de jouer sur cet effacement. Parfois l’autoportrait est mis en valeur pour dire le regard porté sur le monde et restituer simultanément la façon dont le monde regarde le personnage. » Ève Odountan
Qu’apporte la superposition d’images dans les photographies de cette exposition ?
En dehors du foisonnement évident s’ajoute une profondeur en terme de perspective et d’esthétique, en terme de propos également. Dans les films il y a additions successives d’images. Ici aussi, mais le film est immobile. La superposition d’images est mise en abyme. Cette notion, qui renvoie à celle de la scène dans la scène au théâtre, est une manière d’exprimer qu’une réalité contient une autre réalité, qu’une action de déroule dans une autre action …
Dans certaines photographies l’autoportrait est très présent dans d’autres il devient si évanescent qu’il est à peine perceptible. Pourquoi une telle différence de traitement ?
C’est le résultat du hasard selon le choix des images à superposer qu’on fait. Parfois le paysage érode l’autoportrait tant ses éléments sont forts et c’est intéressant de jouer sur cet effacement. Parfois l’autoportrait est mis en valeur pour dire le regard porté sur le monde et restituer simultanément la façon dont le monde regarde le personnage.
L’intention de déconstruction-reconstruction de la ville, qu’on décèle dans le travail exposé, est-elle indissociable de la quête d’identité que suggère l’autoportrait ?
Frédérique revendique une approche très instinctive. Pour moi je répondrai par l’affirmative car la quête d’identité a toujours été essentielle dans mon travail et dans ma vie. Quant à l’intention de déconstruction-reconstruction de la ville elle est manifeste à travers la superposition de plusieurs réalités et de plusieurs regards sur un objet ou un paysage. Mais ce constat on le fait à l’arrivée, il n’est pas le point de départ de notre démarche, de notre motivation. On se situe plutôt dans des propositions à formuler et dans ce qu’elles peuvent produire.
Comment s’est effectué le travail en binôme entre Frédérique et vous ?
On a des goûts communs, des personnalités différentes, des compétences complémentaires. Frédérique apporte une grande liberté, un regard original, un rapport étonnant à la couleur, une matière de départ très riche. Pour ma part je mets dans la corbeille mes acquis techniques et une constante préoccupation du propos. Ensuite il y a toute la cuisine de la réalisation qui se fait dans le plaisir. Très rapidement ou très longuement.
Pourquoi vous cacher derrière des pseudonymes ?
Ces pseudos relèvent plus du désir de se réinventer que de la volonté de se cacher. Chez Frédérique intervient également le souci de ne pas mélanger son travail de juriste et son activité artistique. Chez moi il y a aussi une envie de dissocier la photographie de mon activité de cinéaste. Et puis j’ai le goût des pseudos – sans doute hérité de ma mère ! Plus sérieusement ce recours à des noms d’emprunt révèle une soif de fraîcheur.
Un livre, qui est plus qu’un simple catalogue, accompagne l’exposition. Pour quelles raisons ?
Il montre la continuité de notre dialogue en associant mes textes poétiques aux photographies de Frédérique. Il vient prolonger l’émotion ressentie en parcourant l’exposition. En racontant des choses de nous il va donc au-delà du catalogue. Il traduit parallèlement un souci de trouver des modes de narration originaux.
A l’exposition, au livre, s’ajoute une vidéo. En quoi fait-elle œuvre ?
Je voulais avec les moyens qui sont les miens – les images en mouvement – explorer les images fixes de Frédérique. Cette vidéo permet de décrypter le travail fait et de se laisser emporter par l’invitation au voyage qui imprègne l’exposition. Grâce a la bande son elle en appelle en outre à un sens additionnel : l’ouïe.
Propos recueillis par M.A-P