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Rencontre avec Danyel Waro

jeudi 27 octobre 2011, par Journal de la Corse

Polyphonie corse et maloya réunionnais paraissent bien éloignés … presqu’antithétique. C’est ce qui vous a paradoxalement attiré ?

Du côté de la polyphonie il n’y a que les voix, du côté du maloya il y a des voix, des instruments, des rythmes. Moi, j’aime la voix parce que c’est l’instrument premier. L’important pour travailler avec A Filetta c’était de s’entendre sur la démarche à suivre et par rapport à nos positionnements de liberté.

Pourquoi ce petit bout de chemin avec A Filetta précisément ?

A la suite d’une proposition de Jean Claude Acquaviva. Je ne pouvais qu’être flatté qu’il apprécie ce que je fais. C’est valorisant. Personnellement je ne suis pas à l’aise pour proposer à d’autres de travailler avec moi. En tous cas ça me plait de relever les défis.

En 2009 le maloya a été classé au patrimoine mondial de l’Humanité. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?

A titre personnel pas grand-chose ! Mais si l’on considère le parcours du maloya qui est allé de l’interdiction à l’officialité c’est important. Le maloya est le résultat d’un combat engagé dès l’époque de l’esclavage. C’est l’héritage que nous ont donné ceux qui ont résisté … Leur lutte, il faut la continuer et surtout ne pas se contenter de reconnaissance officielle. Le maloya doit être porté par les Réunionnais, par les non reconnus de l’histoire.

Le maloya, symbole de la Réunion ?

Chez nous on a le séga, musique d’origine européenne qui a toujours été autorisée car non dérangeante et sans connotation de classes. Le maloya longtemps méprisé et interdit parce que taxé de musique de noirs, d’esclaves, a été, après guerre, repris comme chant de ralliement par le parti communiste réunionnais. Le maloya a alors été considéré comme porteur du message des plus pauvres, des plus défavorisés, des gens à qui on déniait l’humain, c’est pourquoi il est révélateur de notre identité profonde.

Le maloya, expression identitaire ?

Dans une société aussi mélangée que celle de la Réunion certains ne voudraient voir dans le maloya qu’un aspect carte postale et promotion touristique, mais ce mélange réunionnais est tout autre. Il est souffrance et plaisir. Le maloya participe à la reconstruction de notre humanité détruite. Il n’est pas là que pour faire danser mais pour construire la Réunion. Il est combat. Il est révolutionnaire.

Que chante le maloya ?

Notre histoire. Nos sentiments : la joie, le malheur, la fantaisie, la revendication. Il accompagne également les cérémonies d’hommage aux ancêtres. Il est complètement profane. Complètement sacré. Complètement vivant et dépouillé de purisme car présent dans la vie de tous les jours. Il est la tradition et la modernité …

Vous avez été très engagé aux côtés du PCR (parti communiste réunionnais), vous ne l’êtes plus. Pourquoi ?

Mon engagement n’a plus la même forme, et le PCR a changé de cap : il est trop dans la gestion à l’européenne, et il a abandonné l’idée d’autonomie … Je fais mon propre chemin de musique et de poésie. Électron libre par nature, chanter met en accord avec moi-même. Désormais mon énergie je l’investis dans un « engagement durable » qui place au centre l’humain, et sur ce chemin de liberté je sais qu’il n’y a pas « une » vérité, mais plusieurs.

Votre approche de la question de l’identité ?

A la Réunion on est noir, blanc, chinois, indien … il faut donc en même temps s’ouvrir sur nous-mêmes et sur le monde entier. S’ouvrir c’est s’enrichir. Mais au fond que cherche-t-on à l’extérieur si ce n’est soi-même !

Propos recueillis par M. A-P

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