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Rencontre avec Catherine Graziani

jeudi 19 mai 2011, par Journal de la Corse

Catherine graziani

« La correspondance entre le texte de Brecht et notre période contemporaine où s’amplifient racisme et xénophobie, a emballé les ados. » Catherine Graziani

Pourquoi monter du Brecht avec vos élèves ? Pourquoi « Grand peur et misère du IIIe Reich » ?

Ma motivation ce n’est pas l’auteur c’est la pièce ! Chaque année je lis une centaine d’œuvres. Pendant l’hiver deux scènes de « Grand peur et misère du III ème Reich » m’avaient particulièrement frappé, « Le mouchard » et « La femme juive ». L’été, il y a eu le démantèlement des camps roms. La concomitance de notre actualité et du thème traité par Brecht m’a marqué.

Comment se compose le groupe de vos élèves ?

Ils sont douze ados de 15 à 19 ans. On travaille ensemble depuis cinq années. Au fil de leur scolarité les plus âgés sont partis faire des études supérieures. Comme il ne reste que trois garçons j’ai demandé à un comédien professionnel de se joindre à nous, et les filles sont amenées à interpréter des rôles d’hommes, de SA, entre autres, ce qui les oblige à fouiller leurs personnages et à une recherche approfondie pour éviter tout côté caricatural.

De quelle manière ont réagi les ados à la pièce ?

A la lecture ils ont été immédiatement intéressés. La correspondance entre le texte de Brecht et notre période contemporaine où s’amplifient racisme et xénophobie, a emballé les ados. A pesé aussi le fait que le III ème Reich est, pour certains, à leur programme d’histoire. Ils ont été également séduits parce que Brecht laisse volontiers planer le doute sur le dénouement de plusieurs scènes, et que pour lui le spectateur doit sortir du théâtre non avec des réponses, mais avec des questions. C’est pourquoi d’ailleurs on a beaucoup travaillé sur les regards.

Ce texte présente-t-il des difficultés spécifiques ?

Son écriture est très physique et si on n’y prend garde on peut très vite être très mauvais. En outre il y a des scènes dans la démesure et d’autres dans le burlesque, domaines que les élèves n’avaient pas abordé jusque là.

La pièce brosse des tableaux du nazisme ordinaire. Bassesse, lâcheté, délation… qu’on retenu surtout les jeunes ?

La lâcheté, la soumission plus que la délation…

Avez-vous dû faire des choix en raison de la longueur de la pièce ?

Notre spectacle comporte dix scènes, que j’ai choisi en fonction des élèves et de leur compréhension d’ados. Ces scènes je les ai placées par ordre chronologique avec en prologue un éclairage sur l’été 2010. Contrairement à mon habitude il y a un décor où domine les gris, les bleus, les noirs évoquant le climat des années 30 en Allemagne.

La composition de la pièce en scènes de différentes longueurs, et avec des personnages très divers est-elle un avantage ?

En l’espèce c’est plus difficile, car dix scènes impliquent dix débuts et dix fins ! Chaque fois il faut rentrer immédiatement dans le rythme. Autre difficulté la musique à intercaler dans le texte ! Mais pour le spectateur je pense que cette variété est stimulante.

Qu’exigez-vous des jeunes ?

De la rigueur. De la confiance. Mais je m’efforce aussi de vivre autre chose avec eux, car l’atelier dépasse le strict cadre théâtral pour devenir une aventure humaine au sens fort. C’est sans doute pourquoi nous n’avons pas de problème d’absentéisme, ni d’ordre relationnel. Par ailleurs ils assistent tous aux spectacles de « La Fabrique » et gardent le contact après leur départ.

Propos recueillis par M.A-P

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