Nathanaë l Maïni Question théâtrale Pour I Statinali di Villanova, Marianna Nativi et Nathanaë l Maïni ont proposé une lecture de textes extraits d’une pièce de théâtre, «  Des raisons, des tas…  », écrite par Christian Maïni et programmée en février 2011. L’occasion de rencontrer le comédien touche à tout. «  C’est terrible d’être une femme libre. Les chevaux, le bétail, les chiens ont un rôle sur cette terre. Moi je n’en ai pas. Je suis superflue  », assène Anna Petrovna à Platonov. Anna Petrovna, c’est le rôle de sa vie. Et aussi celui qu’on ne lui confiera sans doute jamais. «  Je rêverais de prononcer ces mots sur un plateau, mais on ne me donnera jamais un tel rôle  », confie Nathanaë l avec enthousiasme et lucidité. Avant de citer à nouveau avec gourmandise l’héroïne d’Anton Tchekhov : «  Quand on boit, on meurt, dit-on. Mais si l’on ne boit pas, on meurt aussi. Alors il est sà »rement plus agréable de boire et de mourir  ». Théâtre plutôt que cinéma Des yeux d’un bleu éclatant, un sourire charmant qui dévoile une dentition parfaite, un physique de jeune premier, Nathanaë l Maïni, bientôt 31 ans, pourrait jouer les séducteurs sur grand écran. Eh bien non. Il préfère les planches aux bobines, les rôles de cocu ou d’ignorant à celui de sauveur de l’Humanité. «  Je ne suis pas un cador des plateaux, ni un brà »leur de planches, explique-t-il. Je suis plein de faiblesses et j’essaie de m’en servir. Je trouve plus intéressant de jouer les rôles de stupides et je suis d’ailleurs toujours distribué dans le même type de personnage  ». Bien sà »r on se souvient de lui dans «  L’Enquête corse  » d’Alain Berbérian, son premier long métrage, «  Le clan  » de Gaë l Morel ou «  Un prophète  » de Jacques Audiard. Téléfilms et séries figurent également sur son curriculum vitae (Les héritières, Mafiosa), et même la célébrissime sitcom américaine «  Ugly Betty  ». De son expérience outre Atlantique, il retient surtout la grande famille qu’il a trouvée et ses multiples collaborations : montage, musique, costumes, décors, écriture. Mais surtout, au-delà de cet enrichissement professionnel, personnel et linguistique, il a intégré le master class de Susan Batson. The coach. Nicole Kidman et Juliette Binoche n’interprètent aucun rôle sans avoir pris conseils auprès d’elle. «  C’est une chance inouïe, mon prochain rôle qu’il soit pour le théâtre ou le cinéma, je le travaille avec elle. J’ai hâte d’explorer sa méthode  », lance-t-il. La minute d’avant et la seconde d’après C’est véritablement sur les planches que les talents de comédien de Nathanaë l Maïni prennent toute leur dimension. Depuis dix ans, il appartient à la compagnie du théâtre de l’Echange, basée à Lorient. Après avoir interprété un enfant dans la fable douce-amère «  El Saludador  » de l’Argentin Roberto Cossa, il est parti en tournée avec la troupe pour jouer «  Le jeu de l’amour et du hasard  » de Marivaux. Sur scène, il y a la minute d’avant et la seconde d’après. Avant que le rideau ne se lève, «  je regrette vraiment de faire ce métier et de m’infliger pareille torture. J’ai envie de fuir. Je rêve d’une crise cardiaque. Puis la seconde d’après, quand je suis dans mon rôle, que le public est présent, qu’il répond, je sais pourquoi j’ai choisi ce métier  ». Il explore actuellement une autre facette de sa profession aux côtés du peintre japonais Morio Matsui qui l’a intégré dans son processus de création. Parallèlement, il monte à Macinaggio, avec des amateurs férus de théâtre une pièce de son auteur fétiche, Jean-Yves Picq, «  L’événement  ». Metteur en scène plutôt que comédien Enfant, il a grandi parmi les livres que vendaient ses parents dans la librairie «  Le roi lire  » à Bastia. Sa vie professionnelle, il l’imaginait au milieu de chèvres ou de textes, mais surtout par réglementée par des horaires et ponctuée de voyages. Le théâtre l’emporta sur l’élevage. Et comme il trouvait prétentieux d’ambitionner d’être comédien, il se déclarait futur metteur en scène. A 16 ans, il intègre le Conservatoire d’Avignon, d’où il est sorti diplômé trois ans plus tard, le plus jeune de France. Ses premiers pas sur les planches en tant que professionnel ont coïncidé avec la première édition des «  Rencontres internationales de théâtre  » de Robin Renucci, à Olmi-Capella. Le comédien s’est alors promis de jouer une fois par an une création en Corse. Il s’est par conséquent réapproprié la langue corse qu’il ne parlait guère plus, a collaboré avec Jean-Pierre Lanfranchi à Bastia et Marianna Nativi à Ajaccio. Avec l’artiste de Villanova, il s’est immédiatement accordé sur la vision poétique et politique du théâtre, dans un style dépouillé, enrichit par un perpétuel questionnement sur ce mode d’expression. «  A Muredda  », pièce écrite par Marianna Nativi en 2007, fut la toute première mise en scène de Nathanaë l, qui vit désormais entre Macinaggio et Ajaccio. «  C’est ce que j’ai foncièrement envie de faire. Etre le chef d’orchestre. Etre de l’autre côté et m’occuper de lumière, de musique, de scénographie  ». M.K Â