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POLYPHONIES SARDES

jeudi 19 mai 2011, par Journal de la Corse

Polyphonies sardes

Les Editions « Amori » ont eu l’heureuse idée de remastériser l’album très réussi qu’elles avaient sorti il y a quelques années avec neuf pièces appartenant au vaste répertoire des polyphonies sardes. Son titre : « Romanzesu ». (1) L’initiative est une réussite. Ce disque sonne très bien, tant par son ampleur que par sa résonance. Les quatre interprètes se distinguent par l’authenticité de leur ton et de leur timbre. Ils appartiennent au groupe des « Tenores di Bitti remunnu e’locu ». Bitti est un bourg des montagnes de la Barbagia- Baronia. Les chants « a tenores » sont des chants inspirés par la nature dont ils sont issus. Le groupe se compose donc de chanteurs dont les activités professionnelles sont liées à l’élevage, l’agriculture et l’artisanat. Outre leur contribution précieuse au maintien des traditions ancestrales, ce groupe se distingue aussi par une fusion intense des voix. On sait que les Sardes ont développé un large répertoire de la voix humaine qui révèle une connaissance profonde et ancienne des structures de la polyphonie. Les pièces chantées dans l’album désigné le sont en langue vernaculaire (encore proche du latin) nécessairement pratiquées à quatre voix. Notons à présent ce que renferme deux ou trois des morceaux exécutés. Le premier « Cantu a bal lu seriu » est dû au poète Bartolomeo Serra. Il compare la beauté et la grâce d‘une femme à celles d‘une belle jument. La seconde pièce, « Cantu a isterritas-sos avaros », est une satire. Le poète Raimondo Piras demande à son ami Giovannino Fenu, mort jeune, quel est l‘être humain le plus pauvre du monde. Celui ci répond de l‘au delà par des métaphores que le pauvre est celui qui a de tout mais ne jouit de rien, c‘est-à-dire l‘avare. Le troisième chant « Mutos » traduit la désolation hivernale qui lui rappelle que Nina, sa bien aimée, l‘a abandonné. Trois aperçus qui laissent pressentir le climat psychologique et musical de tout l‘album. Pour finir et mieux cerner la nature de la polyphonie sarde qui comme celle de la Corse, de la Roumanie et de l‘Italie entière trouve son origine dans la génération spontanée, issue du génie populaire.

Vincent Azamberti

(1) Amori LC 1456

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