Pierre Gambini, auteur, compositeur interprète, se produit le 1er décembre prochain à l’Aghja. L’occasion de se pencher sur un artiste atypique.
Synthé et guitare acoustique s’entremêlant sur des rythmes tantôt lents, tantôt rapides (le plus souvent) avec, en toile de fond, des voix in lingua nustrale, nous sommes dans l’univers musicale de Pierre Gambini. « Le rock electro en langue corse, lance-t-il, c’’est une longue histoire. Au lycée, j’avais déjà deux groupes, l’un de rock, l’autre (Isula) de musique corse. Et j’ai grandi ainsi. » Pierre Gambini a su puiser dans ses racines à Corscia, l’amour de sa terre, de sa langue qui, cumulées à sa passion pour la musique, l’ont conduit à s’orienter vers ce style. Une musique qui sort des sentiers battus et apporte un regard nouveau dans le paysage insulaire. « J’ai grandi avec Led Zeppelin, les Stones ou AC DC précise l’artiste, puis le rock progressif, Genesis et les Pink Floyd. C’est une musique qui me parle et au sein de laquelle je puise mon inspiration. »
Un artiste autodidacte
Ancien bassiste de formation, Pierre Gambini touche à plusieurs instruments, notamment la batterie et surtout la guitare. Autodidacte, il s’est mis à écrire textes et partitions. « Connaître la musique était devenu, pour moi, une nécessité, rajoute- t-il, j’ai débuté à douze ans par le solfège mais ça n’est pas passé. Cet apprentissage de la musique n’est pas suffisamment ludique pour les jeunes. Un gamin, ce qu’il veut, c’est jouer. » Début 2000, le musicien est l’origine de la création d’un premier groupe « I Cantelli ». Composé d’étudiants de Corte se réunissant pour faire la fête, il se démarque et choisi le pop rock pour s’exprimer. La magagne et l’art de la provocation resteront le leitmotiv du groupe mais il saura porter la langue corse vers un registre jamais exploré jusqu’ici. Pierre Gambini affirme déjà son style musical. « On ne se prenait pas au sérieux…mais on prenait le travail au sérieux avec un souci permanent de qualité. » Une caractéristique qui va perdurer chez cet artiste ayant fait le choix, à compter de 2002, de faire de la musique, son métier. « Je vis de ma passion, c’est le meilleur compromis possible. Néanmoins, quand bien même je suis payé, l’amour de la musique prédomine toujours. »
La langue corse, outil essentiel de création
L’artiste s’est fait un nom dans le milieu culturel insulaire. Cette ascension est est le fruit d’un travail de plus de quinze ans. En point d’orgue, un premier album, solo, cette fois, « albe sistematiche » (2011) où il aborde des thèmes qui lui tiennent à cœur. « Des thèmes contemporains où l’on retrouve, à la fois, le côté sombre et lumineux de la Corse. Le choix du corse ? Il n’est ni militant ni politique. C’est une langue musicale et poétique, elle s’est imposée et c’est même l’outil essentiel de ma création. » Enfin, un coup de fil de Pierre Leccia, réalisateur de « Mafiosa », lui offre l’opportunité de franchir encore un palier. « Il a été séduit par mon style et proposé de composer la musique originale de la saison 4 de la série. Ce fut un sacré challenge ! 90 minutes de musique. Je me suis efforcé de travailler sur des esthétiques musicales qui me correspondent. Sans voix ni polyphonie, on doit comprendre que nous sommes en Corse. » Un pari réussi à en juger par la qualité musicale de cette B.O. « Ma démarche consiste à créer une musique originale, nouvelle qui soit le fruit de mon ressenti. » Mais s’il a choisi le pop rock pour s’exprimer, Pierre Gambini n’en oublie pas, pour autant, l’aspect traditionnel du chant corse. Adepte des chants polyphoniques sacrés et profanes (qu’il pratique), il écoute, parfois, des fonds sonores très anciens. Une façon, pour cet artiste autodidacte, de façonner, en notes, gammes et figures rythmiques, un parcours atypique…comme sa musique.
Philippe Peraut