Philippe Jaroussky : on l’entend beaucoup. Ce n’est pas un préjudice. Il est un authentique artiste, un contre ténor, comme on sait, de grand talent qui mérite son succès. Mais cette référence nous donne l’occasion de déplorer que sur les chaînes spécialisées notamment l’on entend un peu trop souvent les mêmes musiciens et chanteurs, tandis que bien d’autres, au talent sûr, ne s’entendent que bien rarement, voire jamais. Il ne manque pas d’explication à cela, économie, oblige. Il s’agirait cependant de savoir, compte tenu de cette exigence incontournable, si l’art est destiné à servir ceux qui le pratiquent et ceux pour qui il est un indispensable recours aux choses de l’esprit, il s’agirait, oui, de savoir s’ils ont droit à la diversité des programmes et de ceux qui les servent. Nous vivons, malheureusement, dans une société de profit. Ce qui n’est pas nouveau ni forcément regrettable, comme en traitent les sciences humaines. Mais l’homme, dans sa condition, transcende par principe toute autre référence, même si notre société a décidé, dans les faits, de s’en soucier peu. Ceci rappelé, notons que la firme Virgin Classics nous offre l’occasion d’écouter Philippe Jaroussky dans un récital gravé sur un album renfermant les « Cantatas » de Vivaldi. (1) Tout au long de l’ère baroque la Cantate de chambre fut, avec l’opéra, la forme vocale la plus largement diffusée en Europe. Cette forme devait s’imposer comme la recréation musicale favorite d’un public aristocrate. A l’époque de Vivaldi, le genre avait trouvé son équilibre formel et Vivaldi, quoique moins prolixe en ce domaine précis que Scarlatti et Marcello, affirma l’originalité de ses cantates. Philippe Jaroussky est un musicien complet (piano, analyse, écriture) Dès 1999, il commence à chanter avec l’Ensemble « Il Seminario Musicale » de Gérard Lesne L’année suivante, en tournée et en 2001 au Théâtre des Champs Elysées, il chante dans les trois grands opéras de Monteverdi. Il se produit également avec les Ensembles La Fenice et Matheus, ce dernier conduit par le Corse Jean Christophe Spinosi. On pourrait poursuivre avec la suite du parcours de Jaroussky. Le mieux est encore de l’entendre.
Vincent Azamberti
(1) Virgin Classics 7243 5 4572128