La fine lame de la Gravona
À 40 ans, Paul Biancucci a choisi, depuis des années, de vivre à Cuttuli, son village. Formé par Jean, son père, il a trouvé, dans la coutellerie, sa vocation. Rencontre… En 1974, Jean Biancucci s’installe à Cuttuli, où il a ses racines et embrasse le métier d’ébéniste. Vingt ans plus tard, celui de coutelier. Mais il ne se doute pas qu’il va transmettre sa passion à Paul, son fils. « J’ai débuté avec lui en 1994, se souvient ce dernier, quand il a choisi ce métier. Il avait mis, à l’époque, avec Christian Moretti, un modèle, baptisé « A cursina », en utilisant des méthodes de fabrication traditionnelles. »
Un choix de vie
Autodidacte, Paul va, peu à, peu découvrir toutes les ficelles du métier en débutant par les lames, tandis que son père assure la fabrication des manches. Auparavant, le jeune homme aura été un brillant étudiant titulaire d’un bac scientifique. « Rien ne me plaisait, poursuit-il, je ne me voyais pas vivre ailleurs qu’en Corse et, attiré par la vie en milieu rurale, j’ai abandonné mes études pour me lancer dans la coutellerie. J’étais très intéressé par le travail du métal. » Son premier couteau, Paul Biancucci s’en souvient encore. « J’avais huit ans, j’en étais très fier et je l’ai toujours ! Le métier ? Je l’ai appris sur le tas en regardant faire et en posant des questions. L’expérience a fait le reste. » Spécialisé dans le métal, le jeune homme travaille selon une méthode traditionnelle. Il conçoit deux types de lames, la barre d’acier qui est forgée à la forme de la lame, et le feuilleté, plus complexe. Ce procédé se caractérise par un pain de fer et d’acier chauffé à 1.200 °C, martelé, étiré et plié jusqu’à obtention, parfois de 2.000 couches pour une lame de 2 ou 3 millimètres. Apparaît alors le damas, vagues successives décrivant dessins et mouvements au cœur de la structure composite. Un travail que l’on peut, par certains aspects, assimiler à l’art. Quant au bois utilisé pour les manches, il provient de chênes verts, oliviers, lentisques, coupés l’hiver et soigneusement séchés plusieurs mois à l’abri de la pluie et du soleil. « Ce métier est complet, rajoute le coutelier, il faut être bucheron, ébéniste, sculpteur, forgeron, métallurgiste et même parfois bijoutier ! Mais c’est surtout la passion qui nous guide. On ne compte pas les heures et sans passion, impossible de travailler. »
Une particularité, les couteaux traditionnels
La particularité des Biancucci réside sur le fait qu’ils se sont efforcés, à partir de modèles, de reproduire, à l’identique, les couteaux des anciens. Ainsi, « a runchetta », utilisée, jadis, pour la vie paysanne, « u temperinu », glissé dans les gilets, « le couteau d’Ascu », au bout du manche en forme d’animal ou « a pittuta », couteau corse plus contemporain, font la notoriété de l’atelier. Logique, de ce fait, que les amateurs affluent de toutes parts dans le but de visiter, assister à la fabrication, et bien sûr, faire l’acquisition de ces précieux couteaux. Le coût varie de 120 à 200 euros mais le carnet de commandes est copieusement rempli. Pour certains couteaux (à lames feuilletées) il faut même patienter trois ans. Quant à la passion transmise à Paul, Dumenicu, 9 ans, et Ghjuvanni, 5 ans, sont, dit-on, sur les traces de leur père…
Philippe Peraut
Contact :
Coutellerie Biancucci
L’aghjola-20167 Cuttuli è Cortichjatu
Tel : 04-95-25-64-72