De Boris Cyrulnik à Théophile Minuit
Boris Cyrulnik, célèbre concepteur de la résilience, les philosophes Barbara Cassin et Ali Benmakhlouf, et l’auteur –compositeur-interprète Théophile Minuit (version symphonique) à l’affiche de l’édition du printemps de « Parole Vive ».
Thème retenu par Raoul Locatelli et Virginie Cervoni, organisateurs de la manifestation : « Qui sommes-nous vraiment ? » Ce questionnement très large, très ouvert, d’une vive actualité sera l’occasion d’entendre Boris Cyrulnik s’interroger sur « La mémoire traumatique est-elle une identité ? » Cyrulnik, un conférencier que les Bastiais vont retrouver avec bonheur. Autre conférence-débat avec pour thématique « Une identité ou des identités ? » par B. Cassin et A. Benmakhlouf. Un échange toujours sous la forme interrogative, ce qui n’est pas son moindre mérite car à l’antithèse d’un esprit de fermeture et de réponses mécaniques malheureusement trop souvent réduites à des solutions qui tiennent plus de la recette de cuisine que d’une véritable pensée et d’une intense réflexion. Moment plus léger et en tout cas convivial celui réservé à des lectures en poésie et en chanson à la bibliothèque municipale autour de la problématique, « Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre ». Un temps à l’écoute de variations poétiques qui ne sont pas que vains mots et palabres en l’air. Enfin, un feu d’artifice musical pour terminer avec Théophile Minuit, au théâtre. Une performance inédite pour ce Bastiais qui ne s’est jamais produit en Corse par manque d’opportunité … un peu. Par réflexe d’humilité… passablement. Par timidité et crainte d’être face à « son » public…beaucoup. Par besoin de conserver une distance qui le préserve du soupçon de prétention… surtout. Ce n’est pas à un simple tour de chant que nous convie l’artiste mais à un véritable spectacle élaboré pour Bastia et la Corse avec l’orchestre, « Musica Suprana », les choristes de « Corse Joie » et ceux du collège Simon-Vinciguerra, avec Patrizia Poli et Jean Claude Paolini. Théophile Minuit est un artiste à part, aux textes de chansons subtiles qui peuvent être tristes ou gaies, et où l’humour survient quand on ne l’attend pas ! Un artiste aux qualités musicales reconnues. Un artiste qui nous embarque dans un étonnant voyage où l’émotion est toujours là comme en témoigne son dernier album, « Démons qui s’émerveillent » avec ses nocturnes d’une noire mélancolie ou d’une vivacité ironique et revigorante. « Parole Vive » revient désormais chaque saison, et non seulement chaque année. Tant mieux !
Michèle Acquaviva-Pache
« Un artiste fait du beau avec de la douleur, et par delà ses fêlures il nous aide à vivre » Théophile Minuit
Vous chantez vos chansons en vous accompagnant au piano. Pourquoi un spectacle avec orchestre symphonique et deux chorales ?
C’était une envie procédant d’une nécessité artistique ancrée en moi depuis longtemps. Mais j’ai aussi l’habitude de travailler avec des musiciens classiques à qui je demande de jouer une autre musique que celle de leur répertoire.
Comment cette initiative a-t-elle pris corps ?
C’est le résultat d’une relation triangulaire. D’abord Raoul Locatelli m’entend à Paris et m’invite à Bastia, mais cela ne se concrétise pas. Puis des amis me parlent de Luc Lautrey, chef d’orchestre qui dirige « Musica Suprana ». On fait connaissance. Ça accroche bien entre nous tant au niveau artistique qu’humain : on présente un projet à Raoul. Entre nous trois opère une alchimie qui nous permet de mobiliser toutes les énergies autour d’une entreprise conséquente réunissant quelques 150 intervenants !
Sur le plan pratique ?
J’envoie mes arrangements musicaux à Luc Lautrey puisque je vais chanter mes chansons en m’accompagnant au piano. Luc les valide en fonction des musiciens qu’il a. Les répétitions commencent. Quant à moi je rencontre les intervenants courant avril.
Quel est l’esprit de votre démarche ?
Dénuée de frime ! Je ne suis pas un chanteur de variétés accompagné d’un orchestre symphonique pour faire joli ! Je vois plutôt les différents pupitres comme des personnages qui conversent et me répondent.
Les difficultés à surmonter pour mener à bien la réalisation de ce spectacle ?
Il fallait qu’il y ait une vraie rencontre humaine et artistique entre les musiciens, les choristes et moi. Je devais me faire adopter. Humainement ça a été rapidement le cas. Musicalement les choses ont pris plus de temps. Finalement on a fait corps dans ce spectacle où les émotions vont du drame à la futilité parce que, tous, on sait aussi être ludiques. Tous, on a le souci de ne pas ennuyer le public c’est pourquoi ce spectacle reste avant tout un divertissement.
Comment définir votre univers d’auteur-compositeur-interprète ?
Onirique, voilà le premier mot qui me vient aux lèvres ! J’ajouterais : tourmenté et joyeux même si cela peut paraitre contradictoire, mais à l’image de la vie. Il y a également chez moi une notion de résilience c’est pourquoi je suis heureux d’être programmé dans une manifestation qui accueille Boris Cyrulnik.
Cette notion de résiliance, vous pouvez la préciser ?
On la retrouve chez tous les artistes porteurs de quelque chose d’intéressant… Un artiste fait du beau avec de la douleur, et par delà ses fêlures il nous aide à vivre.
Les musiques qui vous touchent ?
La musique classique du début du XXème siècle. Celle des Russes. Celle de Prokofiev. Le rock progressif. Celui des Pink Floyd, de Genesis… J’assume une proximité avec Bashung, Barbara, Higelin.
L’objectif d’une chanson ?
Frapper au cœur. Faire rêver en créant un climat.
A votre actif un parcours artistique déjà long. Beaucoup d’embûches sur votre chemin ?
J’ai débuté dans les années 80 en faisant du cabaret. L’époque changeant je me suis tourné vers le piano bar. Cette période a été très rude car j’ai senti que je risquais de me perdre. La roue a heureusement tourné dans les années 90 car j’ai pu faire de la scène et des tournées avec un quatuor à cordes.
Images les plus prégnantes de votre enfance et de votre adolescence bastiaise ?
Le libecciu. Les incendies… Et bien sûr les amis, la famille !
(Propos recueillis par M.A-P)