Beaucoup de monde pour suivre la conférence du neuropsychiatre, psychanalyste, éthologue Boris Cyrulnik. Auditoire avide aussi pour écouter les philosophes Ali Benmaklhouf et Barbara Cassin intervenir sur l’identité, thème retenu par les organisateurs de « Parole Vive ».
Identité culturelle si souvent évoquée en Corse. Identité nationale récemment abordée dans des débats orchestrés par l’ex-président Sarkozy. Des questions presqu’obsessionnelles à l’échelle de la vieille Europe, en ces horizons de crise(s). Pareil pour l’identité individuelle dans toutes les sociétés qu’elles respectent ou non la personne. Pour Ali Benmakhlouf cette identité personnelle est le fruit de métamorphoses continuelles parfois minimes, parfois de grande ampleur. Enseignement de ce constat : l’identité de l’individu est mouvement et multiple. Tout le contraire de l’inertie et de l’immobilisme. Bref, on se fait chaque jour car on est en devenir. Barbara Cassin s’est penchée, elle, sur l’identité collective. Axe de sa démonstration ? Le cas très intéressant de l’Afrique du Sud post apartheid, post séparation des races. Face au chaos sanglant qui aurait pu suivre la fin de la ségrégation le pays s’est engagé dans l’immense chantier d’une identité sud africaine à tirer du néant en posant le postulat d’un peuple arc-en-ciel. Moyen retenu ? La réunion de la Commission Vérité et Réconciliation chargée de recueillir les témoignages des victimes de crimes raciaux et les aveux spontanés des coupables. Objectif ? Par la parole partagée parvenir à une amnistie acceptée par tous afin d’écarter le spectre de la guerre civile. Une amnistie incontournable à un nouveau départ sans qu’il soit question du brûlot représenté par l’octroi d’un pardon ou non. Si de Pretoria au Cap rien n’est rose en Afrique du Sud malgré l’appartenance au monde des pays émergents, un grand pas a été fait dans un sens qui donne sens à une construction identitaire collective sud africaine complètement fabriquée. Reste que cette entreprise mêlant audace et originalité avait été préparée très en amont par l’ANC de Mandela durant les années de clandestinité, et par des personnalités d’envergure tel Monseigneur Desmond Tutu, prix Nobel de la paix.
Michèle Acquaviva-Pache