Un monde perdu est retrouvé
Une force étrange se dégage de cette « Opera Umana ». Un monde perdu est retrouvé par la magie des photographies d’Antoine Périgot.
Ponts et tours génoises, aires de battage, intérieurs paysans ou de sgio, bas-reliefs pisans, sculptures baroques, fours à pain, fontaines, lavoirs, il y a tout ce qu’hier en un passé proche ou lointain nous a légué de monuments ou de vestiges du quotidien le plus ordinaire, du plus banal, ou de constructions d’envergure parfois pensées par de grands architectes ou d’ingénieurs visionnaires d’autrefois.
Dissimulés dans le maquis ou cachés dans des villages, le granite et le schiste façonnés par la main de l’homme racontent des histoires qui savent si bien dire un paysage fertile en légendes, échos des mythes fondateurs de la Méditerranée. Derrière une murette de pierre nous attendent Ovide et sa moisson de métamorphoses tandis qu’Homère nous guette avec ses Odyssées sans cesse recommencées. « Opera Umana » célèbre en quelque sorte des noces de la nature en sa beauté et une geste humaine qui n’oublie pas que l’humilité est le socle d’une permanence fondée sur l’être et non le paraître. Utile et donc nécessaire ce bâti patrimonial insulaire va à l’essentiel, y compris lorsqu’il emprunte les chemins de l’art tourmenté de la Contre Réforme, parce qu’il en demeure traces.
Les photographies de Périgot dénoncent également l’abandon et la ruine définitive qui menacent ces trésors que personne ne soigne ni n’entretient. Elles sont appel à agir contre usure et dégradations du temps. Elles sont exigence de sursaut pour sauver ce qui doit l’être et arracher à la déshérence des témoignages de la vie d’avant. La Corse change, et ces changements ne peuvent rimer avec table rase ou avec des anachronismes qui n’en finissent plus de défigurer villes et campagnes.
Sans passé pas de futur possible.
Michèle Acquaviva-Pache