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OMBRES ET LUMIÈRES DU CORSISME

jeudi 26 mai 2011, par Journal de la Corse

Corse livre

En ce temps où la parole n’est plus création authentique mais écho du verbe à la mode, il est bon de faire souffler le vent de la vérité. C’est ce que fait Jean-Pierre Poli qui prend pour devise dans « Autonomistes corses et irrédentisme fasciste » la phrase de Maurice Blanchot : « Il faut tout dire. La première des libertés est la liberté de tout dire ». Il s’attaque ici à un sujet qu’on évince prudemment de la mémoire collective. Rien de tel ici, on prend le temps d’une analyse patiente et méticuleuse pour aller à la source de deux tentations idéologiques : l’autonomisme et l’irrédentisme. Il s’agit de tordre le cou à la confusion que l’on fait au sujet d’un laps de temps assez bref mais historiquement crucial (1920-1939) entre « corsisme » et « irrédentisme ». Cela nous vaut une progression méthodique parmi les hommes et les idées. L’auteur définit d’abord l’irrédentisme ( on ne sait plus guère que l’étymologie renvoie au verbe « redimere » signifiant « délivrer ,sauver » dont le participe passé aboutit à « irredento » c’est-à-dire avec un préfixe de négation « non délivré »….) ses partisans qui veulent « libérer leurs frères encore dominés par l’étranger pour permettre l’aboutissement final du « risorgimento », la naissance de la nation italienne dans le sillage de Garibaldi qui s’exclama « la Corsica e Nizza sono francesi come io sono tartaro ». La part la plus importante de cette étude est celle consacrée au journal « A Muvra », « vecteur principal du mouvement autonomiste corse des années d’avant-guerre. » Tout le problème de l’auteur est de cerner les paradoxes d’une équipe soudée pour défendre la langue, la culture et l’héritage insulaires, mais qui le fait avec des nuances d’où un balancement dangereux entre la neutralité, le corsisme pour qui l’île est une nation, l’irrédentisme qui rapproche le balancier de l’Italie. Il faut suivre pas à pas cette aventure où beaucoup se fourvoient où, beaucoup aussi conservent une belle intégrité. On lit cette chronique d’hier avec tout l’intérêt que l’on porte au présent. Et avec reconnaissance et gratitude pour un auteur qui n’hésite pas à plaider pour la seule vision raisonnable de l’histoire, celle du syncrétisme : « La Corse c’est à la fois Pascal Paoli et le conventionnel Salicetti, Ponte Novu et l’épopée napoléonienne, la révolte contre-révolutionnaire de la Crucetta et le sacrifice du 173e régiment d’infanterie pendant la Grande Guerre, le résistant Jean Nicoli et l’autonomiste Petru Rocca ».

Mireille Andreani

Jean-Pierre Poli. « Autonomisme corse et irrédentisme fasciste » DCL ed. 338 p. 22 euros.

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