Christian Ruspini propose une lecture-spectacle de « Murtoriu », le roman de Marcu Biancarelli. Une œuvre traduite en français et transposée à la scène.
« Pégase », adaptation scénique du livre de M. Biancarelli, interprétée par Christian Ruspini avait à juste titre remporté un vif succès, non seulement en Corse mais à l’extérieur de l’île. Avec « Murtoriu » le comédien et l’auteur renouvellent l’expérience. Ce « Glas », qui sonne sur l’extraordinaire magnificence des paysages du sud de la Corse, est devenu en français « Ballade des innocents ». Une trouvaille que ce titre, qui évoque le mystère des origines et les cohortes de sacrifiés. Pour rien. Scandale sans cesse répété voulant que le Destin ou le hasard, Dieu ou le néant s’en prennent, par la main de l’homme ou ses calculs, aux plus simples. Aux plus faibles… « Ballade des innocents » c’est une étonnante variété de personnages gravitant autour de la figure centrale qu’est Marc Antoine, un double possible du romancier ! Marc Antoine se définissant comme un observateur d’un « monde moisi par ses certitudes et sa perversité, gavé de consumérisme et décérébré par les nationalismes, celui des dominants comme celui des soumis et pris sous la coupe des conservateurs abrutis qui nous servent d’hommes politiques ». Dureté du propos qui scalpe une société peinant à habiter son présent et donc à accoucher d’un avenir parce qu’elle a trucidé son passé. La référence à la boucherie de 14-18 renvoie à une violence en permanence matérialisée par les binômes : soumission et révolte, soumission et domination dans un monde où « tout s’achète » et « où il y a toujours une saloperie à faire », insiste l’écrivain. Il y a dans ce texte autant de désabusement que de dénonciation. Il y a dans ces pages où la violence est partout – frontalement ou en filigrane – un portrait inspiré de berger, symbole d’une apparente intemporalité d’une île mais qu’un meurtre va anéantir. « Ballade des innocents » alterne de très noirs moments avec des instants moins sombres, moins oppressants, presque souriants sous le signe d’une fraternité humaine masculine dont le cercle va rétrécissant tandis que l’amour – le sexe – révèle une incapacité à être.
Michèle Acquaviva-Pache