Claudio Monteverdi (1567-1643). Cette importante figure clé d’entre la Renaissance et le Baroque, fut un compositeur- tous les mélomanes le savent- de tout premier rang, fort conscient de sa place de choix dans l’évolution de la musique de son temps et, en même temps, capable comme nul autre d’intégrer aisément innovations formelles, mise en musique de textes, harmonisation et ornementation dans les traditions dont il avait hérité. On l’admira surtout et on peut l’admirer encore pour sa capacité à pénétrer le sens profond des textes poétiques et à donner vie aux personnages de ses drames musicaux (1). « Le combattimento di Tancredi et Clorinda » est une de ses œuvres les plus connues dans le lot de celles qui n’ont pas été perdues. Il a choisi un passage de la « Gerusalemme liberata » du Tasse, poème épique relatant les croisades. Le traitement musical est tout à fait remarquable. Tancredi, héros chrétien, est tombé amoureux de la Sarrasine Clorinda. Il la rencontre sur le champ de bataille sans la reconnaître, la prenant pour un homme. Clorinda est mortellement blessée et Tancredi comprend son erreur en lui retirant son casque. Les dernières paroles de Clorinda seront pour demander le baptême avant d’expirer en percevant une vision céleste. Cette fin de drame est peut être la plus belle et la plus éloquente musique que Monteverdi ait jamais écrite. On sera sensible à l’interprétation de l’œuvre par Rolando Villazon, Patricia Ciofi et Topi Lehtipuu. Emmanuelle Haïm est à la tête du « Concert d’Astrée » Cet album a été couronné d’un Diapason d’or. Rolando Villazon : les principales scènes s’arrachent ce ténor en qui l’on voit le successeur de Placido Domingo. Patricia Ciofi s’impose comme une comédienne à la voix très expressive. Topi Lehtipuu offre en ce CD une prestation convaincante. Quant à Emmanuelle Haïm, chef d’orchestre, elle s’impose comme une figure dominante de la musique baroque (2). Toute l’histoire du langage musical tient dans l’annexion progressive de chocs auriculaires savamment dosés pour atteindre le subconscient de l’auditeur. Ces chocs libèrent des sensations secrètes qui n’attendaient que ce contact pour s’épanouir. Avec Monteverdi, on en fait parfaitement l’expérience.
Vincent Azamberti
(1)Voir éventuellement le Guide de la musique baroque Fayard 1995
(2)Virgin classiques .0946 3 63350 2 5