Trois documentaires à ne rater sous aucun prétexte sur des pratiques magico-religieuses et magico-thérapeutiques en Corse, en Italie, en Grèce, au Maroc. Trois films d’Anne de Giafferri et Gilles Blanchard. Trois rendez-vous en novembre sur France 3 Corse-Via Stella.
« Mauvais œil » aborde bien sûr le rôle et la pratique des signatore et signatori en Corse avec leurs croyances et leurs rites venus du fond des âges et qui sont encore une réalité non seulement villageoise mais urbaine, dans les centres anciens et les nouveaux quartiers. « Signer » c’est faire le bien en chassant le mal grâce à l’efficacité d’une parole. Le film montre parfaitement combien cette pratique implique d’être à l’écoute du mal-être de l’autre et d’une demande de soins. A l’image également les guérisons d’insolations, de brûlures, de sciatiques et de diverses douleurs. La Grèce avec son obsession du mauvais œil, et le Maroc avec sa hantise des djinns nous offrent en prime des développements enrichissants intellectuellement. « Mauvaises herbes » évoquent le domaine foisonnant aujourd’hui des plantes sauvages qui guérissent ou nourrissent. En vogue le bio ! Alors se déploie la marchandisation, et la cueillette se professionnalise. Mode ? Changement de comportement ? Il y a les « pour » ceux qui estiment que cette attitude traduit un nouveau regard sur le monde. Il y a les « contre » qui ne voient là que résurgence amplifiée d’une pensée magique. Le film nous entraîne de la Corse de l’intérieur à Salerne au fabuleux « Jardin de Minerve » et à sa magistrale école de médecine médiévale. Il nous emporte dans un Maroc où les herboristes n’ont jamais quitté le devant de la scène médicale, et à Athènes dans des laboratoires de pointe de pharmacognosie avec étape dans la cosmétologie bio insulaire et la préparation des huiles essentielles « made in Corsica ». « Mauvais rêves » évite les pièges liés à ce genre de sujet, et à leur minables interprétations ou déviances. Le mérite de ce documentaire réside dans ses ambiances qui suggèrent et non dans la démonstration. Le mazzérisme est en effet un territoire qui appelle plus de questions que de réponses si l’on ne veut pas naufrager dans la marmite des assertions péremptoires et … stupides. Or, « Mauvais rêves » dit autant sinon plus par l’image que par le mot. Passionnante aussi l’incursion à Naples, cette ville née de la mort et où la mort alimente la vie.
Michèle Acquaviva-Pache