Le reflet d’une artiste
Installée depuis vingt ans dans son atelier « A Cirriola », situé à la sortie de Sagone, Marie-Françoise Bartoli travaille la faïence et façonne, ainsi, des objets utilitaires ou décoratifs. Plus qu’un choix de vie qu’elle assume, c’est, à travers cette activité, toute la passion pour l’artisanat mais aussi sa sensibilité et l’amour de sa terre, qu’elle met en exergue. Rencontre avec un personnage peu ordinaire.
Nous sommes sur la route de Vico, à la sortie de Sagone. C’est ici, dans son atelier « A Cirriola », surplombé par sa maison, que Marie-Françoise Bartoli a choisi l’artisanat, il y a vingt ans.
Un choix de vie
La poterie, elle n’est pas vraiment tombée dedans dès son plus jeune âge, mais la passion pour l’artisanat s’est naturellement imposée chez elle, dans les années du riaquistu. « Je faisais des études d’Espagnol à Aix, explique t-elle, nous étions, au lendemain d’Aleria, si nombreux à vouloir changer le destin de la Corse. Alors, j’ai compris que je devais vivre et travailler chez moi. J’ai tout plaqué et suis rentrée chez moi. » Issue d’une famille de pêcheur, elle trouvera, dans l’artisanat, le moyen d’exprimer l’enracinement à sa terre natale et d’y travailler. Ainsi, Marie-Françoise Bartoli optera pour la poterie. « Contrairement à ce que beaucoup affirment, rajoute t-elle, il n’y a pas de véritable tradition de poterie en Corse. C’est assez récent. » Elle apprend, durant quelques années, les rudiments du métier, même si une vie entière ne suffit pas, souligne t-elle, côtoie Jacques Quilichini à Pigna et Fely Griffi à Corte avant de se lancer dans l’aventure au début des années quatre-vingt. La potière choisira la faïence pour créer, « elle est plus féminine, à mi-chemin entre le grès, plus masculin, et la porcelaine, plus fine. » Côté couleur, elle a débuté par le bleu cobalt avant de se diriger vers le rouge, plus tendance.
Un personnage atypique
Elle façonne, ainsi, des lampes, plats, assiettes, vases et autres cruches traditionnelles (émaillées à l’intérieur pour conserver de l’eau fraîche). « Le tournage, c’est devenu un geste machinal, reprend-elle, je pourrais le faire les yeux fermés. Quand je ne tourne pas, je suis angoissée. » Passionnée de son art, Marie-Françoise y trouve, également, une façon d’exprimer son ressenti. Un ressenti que l’on retrouve, par ailleurs, dans ses sculptures sur terre ou ses tableaux sur bois. « Ils me permettent de voyager… » Personnage atypique par excellence, elle dégage, de prime abord, une certaine réserve, mais dès que l’on découvre son trait de caractère, elle dégage une grande sensibilité et n’a pas son pareil pour cultiver l’art de la « macagna » grâce à des boutades bien personnelles. Le contact facile, elle affectionne les discussions et les rencontres avec les gens. « Ici, ils viennent de tous les continents et parlent toutes les langues. Je travaille tout l’hiver à l’atelier. L’été, on attend, en quelque sorte, une certaine reconnaissance en se demandant si les créations vont plaire. » Cette « révolutionnaire » dans l’âme, depuis l’âge de cinq ans, revendique t-elle, vit, depuis vingt ans de sa passion. « N’allez pas croire que l’on fait fortune ! Disons que l’on s’en sort. L’essentiel, même si, nous les artisans, ne sommes pas vraiment considérés comme des travailleurs à part entière, plutôt comme des soixante-huitards, c’est que nous sommes libres. On vit au rythme des saisons. Ici, on est en vacances à vie ! » Aujourd’hui, elle n’a qu’un souhait, « former quelqu’un comme j’ai été moi-même formée. Mais c’est difficile de trouver un jeune susceptible d’emprunter cette voie. » Le message est passé…et l’atelier autant que « l’artiste » valent incontestablement le détour.
Philippe Peraut