LUMIÈRE PAPALE ET OMBRES CORSES D’année en année, l’œuvre de traduction et de publication de la Correspondance de Paoli, entreprise par Antoine-Marie Graziani et publiée aux éditions Alain Piazzola impose l’ampleur et l’intérêt d’un projet d’envergure. C’est, au vrai, parmi les portraits réfractés à travers des prismes divers et déformants que l’on nous a proposé durant l’année de la commémoration la seule vraie source de renseignements, le seul accès à une confrontation directe avec un homme et son projet à la fois grandiose et fou, maîtrisé et progressivement incarné dans les faits. La grande affaire de l’année 1759-1760 est celle du visiteur apostolique : malgré l’opposition génoise qui expédie deux bâtiments de guerre pour le capturer ( Ils coulent dans la tempête du 28 mars 1760 !) un visiteur apostolique De Angelis envoyé par le Pape Clément XIII arrive dans l’île le 23 avril. Cette victoire paoline est suivie d’une cinglante réplique génoise : par un édit, Gênes ordonne qu’il soit capturé vivant et conduit à Gênes. Suit une guerre de mémoires et de libelles  » en Europe qui montre l’état des esprits ; à Gênes à part du côté de la petit noblesse «  grande bénéficiaire des guerres de l’île  », les classes populaires comme bourgeoises ne tiennent plus guère à maintenir la Corse génoise à tout prix et accepteraient volontiers «  le passage de l’île à la France  ». En Europe les anti papistes, Voltaire en tête, changent de camp, les puissances favorables à la cause paoline sont celles qui verraient bien l’île passer dans leur giron… Pour les intellectuels l’indépendance est un obscurantisme car «  les grandes cités sont les centres uniques de la civilisation  ». A lire ces lettres on retrouve des traits permanents qui dessinent une configuration hélas durable de la Corse de ce temps avec ses problèmes chroniques de pauvreté, de violence, de divisions. Souvent trahi, en butte à des incompréhensions, cherchant à faire régner partout la justice et le droit, occupé à des grandes affaires internationales comme du plu petit conflit du microcosme insulaire Paoli impose de lettre en lettre une personnalité exceptionnellement riche, exigeante et racée. Avec en prime ce ton inimitable qu’on ne trouve qu’au XVIIIe siècle plein de noblesse et de vivacité et que rend bien la traduction ( malgré il est vrai la lourdeur répétitive et qui pollue la lecture du choix de la formule «  Très honorés Messieurs  » pour rendre le superbe et emphatique «  illustrissimi signori !  ») Comme précédemment, cette édition s’impose comme un outil fort utile. Marie-Hélène Ferrandini Pascal Paoli. Correspondance. Le visiteur apostolique 1759-1760 volume III. Etabli par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi. Ed Alain Piazzola. 433 p. 23 euros. Citation : «  Gênes ordonne qu’il soit capturé vivant.  » Â