Une enquête sur l’histoire mouvementée du littoral corse, par une journaliste de l’Express, Hélène Constanty, avec un constat simple et édifiant : depuis 10 ans, les côtes de l’île sont de plus en plus bétonnées, alors que jusque-là elles étaient plus ou moins préservées grâce notamment aux plasticages… Pour autant le livre est loin d’être une apologie de la violence clandestine.
État des lieux
Jusqu’aux années 2000, la violence nationaliste, que cela soit les plasticages ou le racket - autrement appelé « impôt révolutionnaire » -, a stoppé toute pression immobilière en Corse, même les projets les plus fous qui ouvraient la porte aux spéculations et au tourisme intensif. Le conservatoire du littoral a pu alors acheter et sanctuariser des sites exceptionnels. La donne a depuis changé, les spéculations plus ou moins douteuses et les passe-droits ont repris, ne laissant que peu de recours aux défenseurs de la nature. Hélène Constanty fait un état des lieux et montre le rôle grandissant du grand banditisme corse, qui refait surface « le grand banditisme corse, qui a longtemps fait ses affaires hors de l’île, blanchit désormais des fonds d’origine douteuse dans de gros projets de construction, parfois en rivalité avec des nationalistes reconvertis, eux aussi, dans les affaires ». Face à ce « coming out mafieux », une nouvelle résistance tente de s’organiser.
Relancer le débat
Partant d’une question simple et pourtant fondamentale, « Combien de temps le littoral corse résistera-t-il à la pression immobilière ? », Hélène Constanty approfondit le débat. L’auteur n’en est pas à son coup d’essai éditorial. Côté enquête, elle sait de quoi il retourne, ayant déjà publié, entre autres, Députés sous influences, Le Lobby de la gâchette et le clan du président. Pour ce qui est de jeter des pavés dans la mare, la journaliste s’y entend. Pour ce qui est des affaires corses, originaire de Calvi, journaliste indépendante couvrant l’actualité corse pour l’Express, l’auteur ne s’y entend pas moins. Autrement dit, l’ouvrage est bien documenté, avec des sources vérifiables et vérifiées. Mettant bout à bout des éléments épars, c’est donc un document d’investigation, sans fioritures, ni effet de style, qui retentit comme une sonnette d’alarme en faveur d’un littoral en danger face à la pression immobilière qui s’intensifie et aux enjeux financiers qui sont de taille à attirer tous les requins.
Myriam Mattei
Hélène Constanty, Razzia sur la Corse – Des plasticages à la folie spéculative, éditions Fayard, 241 pages, 19 €