Aura-t-on jamais autant parlé de l’identité corse ? La vogue de l’identitaire bat son plein. Du moins dans le langage actuel. Mais quelle définition donne-t-on de ce mot ? Ne va-t-on pas jusqu’à le confondre avec celui de « méditerranéen » ?
Oui, peut-on penser si l’on considère l’usage qu’en font les média insulaires. Elles ont annexé le qualificatif. Mais l’on peut aussi entendre sur les ondes continentales utiliser le terme de « type méditerranéen » pour décrire le physique d’un malfaiteur en fuite. On pouvait croire pourtant que ce sont plutôt les noms des terres et de leurs habitants que l’on attribuait aux mers qu’ils côtoient. Ainsi les cartes marines identifient-elles la mer d’Irlande ou la mer de Chine ou bien celle de l’Adriatique. Arbitraire des géographes pourrait-on penser. Mais existe-t-il une identité « manchéenne » et que dire de la Mer Morte ou la Mer Noire ? On concèdera toutefois que la Méditerranée (qui a sans doute eu d’autres appellations au gré des navigateurs d’autrefois) a pu exercer quelque influence sur la matrice de l’identité corse. Oui, mais à contre-courant et de façon négative semble-t-il si l’on en croit l’Histoire. Personne ne connaît ni le nom, ni la langue des premiers habitants de l’île. On en trouve les vestiges au bord de mer généralement. Leur histoire anonyme s’est poursuivie pendant une dizaine de millénaires. Ils parlaient une ou plusieurs langues dont on retrouve seulement la trace dans la toponymie. Ils furent les naturels de Corse. Puis vint l’Histoire. C’est-à-dire celle des peuples de l’alphabet. Nous ne savons rien d’autre que ce qu’ils ont écrit et même le nom de l’île a été donné par eux. Marchands, marins et guerriers disposant de nombreux vaisseaux, ils dominaient la mer. Prédateurs, ils recherchaient avant tout la richesse. Par leurs flottes, le littoral leur appartint. Etrusques, Phéniciens, Grecs, Carthaginois, ils y installèrent des comptoirs et régnèrent plus par la force que par l’échange. Les Romains occupèrent la côte orientale en entier et fortifièrent leurs bases sur le littoral occidental. Ils imposèrent le tribut et repoussèrent les autochtones dans la montagne, se contentant des terres fertiles des plaines et des étangs poissonneux. Après eux le littoral corse fut mis à sac par les Vandales et les Sarrasins. Leurs destructions et leurs razzias le ruinèrent. Devenu désert et marécageux il fut malsain et inhabitable. Ainsi l’identité corse fut-elle marquée par cette méfiance de la mer et de l’ouverture à l‘extérieur. Aujourd’hui la montagne est un désert. La plaine orientale assainie donne un exemple évident de mise en valeur agricole. Le tourisme, malgré la laideur de certains lotissements s’est développé considérablement sur la côte. Cette côte corse dont la beauté, comme celle des sites montagnards est reconnue de tous. Mais, de grâce, cessons de nous arroger ce « Mare nostrum » qui ne fut en aucun cas celui des Corses avant ces temps derniers. Les tours du rivage, sentinelles immobiles, en attestent.
Marc’Aureliu Pietrasanta