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LE THÉÂTRE DE LA PASSION

jeudi 19 avril 2012, par Journal de la Corse

Semaine sainte. Affluence des fidèles dans les églises. Sépulcres fleuris, éclairés de cierges. Crécelles et hymnes. Les stations de la Passion et les processions-liturgies habituelles. Certaines remontent au Moyen Age comme la Cerca ou la Granitula et le Catenaccio. Renouveau des cérémonies processionnelles avec les confréries hautes en couleurs, comme à Bonifacio et ailleurs. Mais les grandes représentations des Mystères dans l’île ont disparu depuis longtemps.

C’étaient chaque fois un événement qui attirait les foules venues de chaque région. Il existait même une émulation entre les villages. Ces grands spectacles étaient animés par de nombreux acteurs. On n’en a conservé que la mémoire. La Moresca commémorait la victoire des chrétiens d’Aleria et la conversion des Maures. Il n’en est resté que la bannière de la Corse comme souvenir. Les dernières grandes mises en scène au grand air ont eu lieu au début du 19e siècle. Ce furent des compositions du Piévan Dumenicu Santelli comme le drame de Sainte Ursule à l’Ile Rousse ou la Passion, représentée en Orezza, dont l’auteur est demeuré anonyme. Gregorovius, un visiteur de l’Ile, en fait la mention suivante : « Un 1808, un pareil spectacle fut donné entre autres en Orezza devant plus de dix mille personnes. Des tentes représentaient les maisons de Pilate, d’Hérode et de Caïphe. Il y avait des anges et des diables qui sortaient par une trappe. Le curé de Carcheto représentait Judas…etc. » L’installation était assez rustique. Des haies de branchage entouraient la scène. Des décors aux tentures peintes étaient censés représenter Jérusalem. Une trappe à gauche permettait d’élever des torches représentant les flammes de l’enfer. Une guérite était dissimulée au fond pour le souffleur. Le sujet comprenait généralement trois actes : la Conjuration contre Jésus. Le procès et la condamnation. La Crucifixion. L’acteur principal tenait le rôle du Christ du chemin du Calvaire à la Crucifixion. La mise en croix était figurée par un grand crucifix dévoilé au dernier moment. Les spectateurs revivaient angoissés le drame de la Passion. Les accusations des Pharisiens d’Anne et de Caïphe. Le repentir de Pierre. La trahison de Judas. Le mépris de la femme de Pilate pour son mari. Le chemin de croix et la douleur des saintes femmes et de la Vierge. Tous ces acteurs nombreux, prêtres, soldats, jeunes filles sur la scène. Les coups de marteaux. Un silence de mort. La croix s’élève. Les dernières paroles. Le Christ est mort. Le tonnerre gronde. La terre tremble. Les saintes femmes entament la déploration. L’Ange de la Passion, d’un blanc resplendissant, apparaît alors et invite la foule à accompagner le Seigneur à la Sépulture. Les gens se dirigent alors vers l’Eglise en psalmodiant le cantique du « Perdono mio Dio » Tel était ce théâtre de la Passion, partie intégrante de la culture populaire corse.

Marc’Aureliu Pietrasanta

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