Quoi de neuf cet été ? Le retour ostensible de Napoléon en sa ville natale. Comment ça ? Et le grand succès de la semaine napoléonienne du mois d’août ! Toutes ces manifestations de militaires en tenue d’époque aux bicornes empanachés ! Quoi ? Ce n’est qu’imitation tardive des festivités de plusieurs villes européennes exaltant leurs personnages historiques. Simple affaire de tourisme commercial. Rien de plus. Tourisme si l’on veut au moins l’empereur sort des oubliettes officielles de cette dernière période.
Le sommet de l’Etat participa, il n’y a pas longtemps, en Angleterre aux côtés de la reine au bicentenaire de Trafalgar mais laissa de côté celui d’Austerlitz. Encore aujourd’hui, Napoléon reste un nom proscrit dans les annales. Tout au plus, comme Hudson Lowe à Sainte Hélène le titre de général Bonaparte lui est-il concédé. Le Consulat et l’Empire sont occultés. Mais rien n’y fait et les cavaliers russes de la Moskova sont venus de Moscou à Ajaccio rendre hommage à celui que leurs ancêtres avaient combattu. Et voici que les « Napoléonides » à leur tour échappent à l’ostracisme. Le cardinal Fesch, l’oncle, a retrouvé notoriété et respectabilité, malgré la morgue aristocratique de Chateaubriand qui devait tant aux Bonaparte et surtout à Fesch. Le musée Fesch offre à nouveau aux visiteurs et aux connaisseurs une des plus belles des collections françaises de peintures antérieures au XXe siècle. Voici qu’après de nombreuses manifestations foraines sur le continent, c’est au tour de Bastia, d’accueillir dans son musée les peintres napolitains du Fesch. Bastia ville essentiellement baroque reçoit le baroque des artistes de Naples du XVIIe siècle, « le Seicento ». On y voit des œuvres de Luca Giordano, de Viviano Codazzi, de Giovanni Battista Ruoppolo (doc ci-contre), des peintres de natures mortes ou de scènes de batailles, toutes admirables. Le cardinal avait réuni une fabuleuse collection témoignant de sa sensibilité et de sa qualité de connaisseur. Elle lui a été longtemps déniée, les Bonaparte n’auraient été que des soudards ayant procédé au pillage des trésors de l’Italie. Rien ne prouve que Fesch soit l’auteur de rapines. Ferdinand, grand duc de Toscane, lui aurait fait don de certains tableaux de primitifs italiens pour s’attirer les faveurs du neveu. On oublie qu’à l’époque ces primitifs n’étaient guère appréciés. Le grand Duc ne pensait pas se séparer d’œuvres d’un grand prix. Aujourd’hui on reconnaît au Cardinal sa qualité d’homme de culture et son amour des Arts. Il fréquentait les grands peintres français présents à Rome comme Lebrun, Granet ou Canova. Il s’était lié d’amitié avec un autre grand collectionneur français avisé et compétent ; François Cacault. Il fréquentait avec lui les brocanteurs et les galeristes. Sa collection lui avait valu les sarcasmes de son neveu Lucien Bonaparte, collectionneur lui aussi et envieux d’un concurrent. S’il lui reconnaissait parmi les peintures italiennes la possession de vingt cinq premiers maîtres, il répandait le propos selon lequel le reste de ses tableaux italiens n’était que de second ordre et de médiocrité. Les visiteurs bastiais des journées du Patrimoine n’auront pas été déçus par cette partie du legs Fesch. Mais où sont aujourd’hui les chefs d’œuvre du collectionneur Lucien ?
Marc’Aureliu Pietrasanta