Ajaccio mi-juillet. Une journée consacrée à la poésie. Un genre qui connaît de plus en plus de succès en Corse. Nombreux poètes au rendez-vous. Bonne occasion de rappel d’un grand poète corse contemporain, curieusement oublié même pour le centenaire de sa naissance il n’y a guère. Il s’agit pourtant d’un écrivain mondialement connu. Né dans un hameau d’Isolaccio di Fiumorbo, de parents corses, ayant fait ses études au village puis à Bastia. Ne cherchez pas, il s’agit de Joseph Chiari. Il nous a quittés, dans la plus grande discrétion, en mars 1989. Professeur des Universités (Manchester et Londres), consul de France à Edimbourg et fondateur de l’Institut français de la capitale écossaise. Il a publié une quarantaine d’ouvrages de philosophie, de critique littéraire et de poésie. Mais il a publié la plupart de ces livres en anglais. « Voilà pourquoi votre fille est muette » aurait dit Molière. Il a consacré deux ouvrages à la Corse « Corsica Colombu’s Island », en 1960, publié à Londres, New York et Munich, un essai en français « Hier c’est aujourd’hui ». De la Corse à l’Ecosse, l’itinéraire de sa vie où l’on retrouve la Corse ancienne aujourd’hui disparue. Mais pas celle des statistiques et des compilations dont nous sommes abreuvés, mais celle des gens, des travaux et des jours, et de l’énigme tragique de leur pays liée à la connaissance profonde de la nature. Le pays de la montagne corse nous est décrit dans une expression poétique remarquable. Cette poésie qui irrigue l’œuvre de l’auteur et que l’on peut qualifier de métaphysique. Elle est marquée de ce charme magique que possèdent certains hommes ou certaines femmes. Garcia Lorca le nommait « duende ».Leur poésie (ou leur art) plonge l’auditeur, le lecteur ou le spectateur hors de lui-même par une sorte de métamorphose en une force mystérieuse. Pour sa poésie, Joseph Chiari avait reçu la consécration du Royal Litterary Fund. Il avait écrit une pièce de théâtre « Marie Stuart » qui fut jouée au Festival d’Edimbourg, puis au Festival International d’Irlande où la comédienne jouant le rôle de la Reine reçut le premier prix d’interprétation. Pour Chiari, admirateur de Nietzche, le surhomme, tel Napoléon, est un apôtre de la volonté qui est à la base de toute quête de la vérité et du courage. Elle pousse l’homme à accomplir son destin afin d’atteindre l’immortalité. Bien sûr, le parallèle et les similitudes ne manquent pas entre les paysages et l’histoire de la Corse et de l’Ecosse. L’Ecosse dont le grand homme est le poète Burns. De même qu’en Corse Napoléon est partout, en Ecosse Burns l’est aussi. Non seulement dans les rues et les nombreux pubs qui portent son nom mais pratiquement dans chaque maison où l’on retrouve soit ses poèmes soit une gravure le représentant soit un des ses bustes. Ses personnages et ses chansons sont connus de tous. Les affinités entre la Corse et l’Ecosse sont nombreuses. Peuples à la périphérie de l’Europe, oubliés ses préoccupations. Elle leur a permis de la sorte « de continuer à rêver aux mythes et aux légendes de leur passé, accroupis près de leurs feux de camp encore mal éteints. »
Tel était Joseph Chiari, le Corse-Ecossais à la recherche de la vérité du cœur, grand poète devant l’Eternel.
Marc’Aureliu Pietrasanta