Est-ce une coïncidence ? Les albums de bande dessinée dont l’histoire se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale, se sont multipliés ces dernières semaines dans nos librairies. Parmi les albums remarquables, « Wotan », une nouvelle série, à la fois déchirante et inquiétante, la suite de « Résistances » et la première partie de « Stalingrad Khronika ».
Wotan – 1939-1940 (tome1)
Une nouvelle série vient de voir le jour aux éditions Dupuis, avec aux manettes Eric Liberge, aussi bien au scénario qu’aux dessins. Sur 56 pages couleurs, l’auteur nous entraîne au début de la Seconde Guerre mondiale, dans la folie raciale du IIIème Reich, et ses conséquences dramatiques. Tout commence en septembre 1939, lorsqu’un enfant étrange, nommé Louison, est rejeté par tout le monde. Il faut dire que ce dernier est frappé d’amnésie. Chose curieuse : il parle allemand dans son sommeil, il se passionne pour les mondes anciens et notamment la préhistoire et surtout, il entretient de longs échanges avec Du Guesclin. Tout d’abord placé dans une famille d’accueil, le jeune garçon est rejeté, s’enfuit, avant d’être recueilli dans un campement de gitans. Au même moment, un jeune artiste, Etienne Murol, de retour de l’Académie de Vienne, retrouve Paris. La capitale se trouve alors en proie à la fièvre des préparatifs de guerre. Mobilisé, il est envoyé en casernement à la ligne Maginot. La tête pleine de sentiments contradictoires, il ne peut se défendre d’une certaine exaltation face au nazisme et aux recherches pseudo scientifiques et culturelles menées sous la bannière de la pureté raciale. Sans qu’ils le sachent les deux personnages ont un destin lié. Eric Liberge nous livre là un premier volume de haute volée, sur fond historique véritable et apocalyptique. Du bel ouvrage !
Résistance – Le vent mauvais (tome 2)
Jean-Christophe Derrien et Claude Plumail nous livrent une autre vision de la Seconde Guerre mondiale, avec leur série « Résistances », publiée aux éditions du Lombard. Ce drame historique en bande dessinée, dont le tome 2 (intitulé « Le Vent mauvais ») s’étend sur 56 pages couleurs, est en réalité une grande fresque sur la Résistance française. Après un premier tome consacré aux réactions face à l’arrivée des Allemands en France, les auteurs entrent cette fois-ci dans le vif du sujet, en plein cœur d’une capitale conquise par les nazis. Dans ce second volume, le scénariste esquisse les contours d’un fragile triangle amoureux, sans doute plus lourd de conséquences pour ses protagonistes, que tous les événements historiques réels qui en composent la toile de fond. En effet, restés à Paris, Louis et Sonia tentent de vivre leur vie malgré les événements dévastateurs qui secouent la France. Ce qui n’a rien de facile pour une jeune Juive communiste au service d’un commandant nazi. De son coté, André a opté pour une résistance plus active. Galvanisé par sa rencontre londonienne avec le général de Gaulle, il est choisi pour une mission de renseignement en plein Vichy, dans l’œil du cyclone. Cette série de bande dessinée s’intéresse à la fois aux grands événements historiques et à l’intimité des personnes qui ont vécu l’occupation. Les personnages sont particulièrement travaillés et pour le moins attachants, de sorte que le récit est une réussite.
Stalingrad Khronika
Dans la collection Aire Libre, chez Dupuis, Ricard et Bourgeron nous racontent quant à eux l’histoire d’une équipe de tournage soviétique prise au piège dans la terrible bataille de Stalingrad. Au cours de l’hiver 1942, Staline décide d’envoyer des camarades dans l’enfer de Stalingrad, afin de réaliser un film de propagande à la gloire de l’URSS. Ces derniers vont rapidement découvrir les horreurs de la guerre. Car c’est à Stalingrad que tout se joue, ou presque. Staline ordonne de bloquer les Allemands sur la Volga, coûte que coûte ! La bataille du siècle – plus de 2 millions de morts – se déroule sous les yeux des personnages. Ce récit d’une très grande densité interroge la place de l’artiste dans un régime totalitaire. Un ouvrage original et intéressant, dessiné par Bourgeron, que l’on peut voir de temps en temps au festival BD d’Ajaccio.
Francescu Maria Antona