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LA GRANDE GUERRE

jeudi 24 novembre 2011, par Journal de la Corse

Onze novembre. Emouvante image télévisée. Ces garçonnets et fillettes se serrant auprès du Président de la République pour l’hommage rendu au « Soldat Inconnu ». Témoignage poignant de cette tombe et su sacrifice suprême allant jusqu’à l’oubli de soi. Glorification de l’héroïsme patriotique sous l’Arc de Triomphe des guerriers. Mais aujourd’hui il ne reste plus un seul survivant des « Poilus ». Les rassemblements commémoratifs sont devenus un devoir de mémoire. Les monuments dédiés à nos morts (1) sont surtout des monuments de la Paix qu’ils avaient voulue, avant tout, pour nous. Tous ont toujours insisté sur cet idéal qui les animait de se battre pour que cette Grande Guerre soit, comme ils disaient, » la der des der » même si les survivants du grand massacre ne tenaient guère à parler de leurs souffrances ni de leurs exploits, cet idéal de paix définitive, ils l’ont toujours proclamé. Ils se sont battus pour la France et comme l’ont assuré certains d’entre eux « pour l’humanité. » C’est ce patriotisme auquel certes l’hommage est rendu le 11 novembre car le patriotisme, selon le mot de Charles de Gaulle « c’est lorsque l’amour du peuple auquel nous appartenons passe en premier sur tout le reste. Le nationalisme c’est lorsque la haine des autres peuples l’emporte sur toute le reste. » L’ouverture à l’autre n’implique pas l’oubli de soi. Ce patriotisme, on sait qu’il se traduisit par « l’union sacrée » expression de la solidarité nationale. Bien sûr, c’est en partie cela que ces monuments traduisent, dédiés, comme celui de Bastia, « aux deuils, aux triomphes, aux espoirs de la patrie. » La tradition guerrière de la Corse depuis des siècles s’y reconnaît elle aussi. Ses enfants se sont distingués dans tous les grades au cours de ce conflit de 14-18. Les noms héroïques de l’aviateur Casale, du commandant Leandri, du sergent Giacomini, du général Grossetti sont restés célèbres et ont été rappelés au cours des dernières cérémonies. Aujourd’hui autant qu’auparavant, les noms des morts de la guerre sont toujours l’objet de la même piété filiale dans toute la Corse et ont animé des rassemblements pleins d’émotion. Quelle est la famille, dans nos foyers, qui ne connut pas l’angoisse et souvent la détresse d’apprendre la mauvaise nouvelle. Et ceci pendant quatre années. La sonnerie aux morts nous remet en mémoire les dangers et les souffrances qu’ils connurent dans les tranchées boueuses devant des paysages tourmentés aux arbres tronqués et déchiquetés sous l’avalanche des obus et la grêle des projectiles. Quels parents n’ont pas reçu une de ces lettres, comme celle que nous avons sous les yeux, datée du 14 octobre 1917. L’auteur écrit à son frère et donne des nouvelles de son fils : « Etienne vient de passer une semaine avec nous en convalescence. Il a bien changé depuis qu’il est revenu du champ de bataille où il a vu tomber autour de lui tous ses chefs et presque tous ses camarades et ses soldats. Il aurait pu trouver la mort en même temps que ceux qui sont tombés le jour où il a été blessé. Il n’hésite pas à dire qu’il a évité la mort par miracle. » On imagine les pensées de ces hommes qui franchissaient dans l’aube le parapet protecteur de la tranchée pour aller s’emparer de celle d’en face à 300 ou 400 mètres. Ils savaient qu’ils jouaient leur vie à pile ou face dans un effroyable jeu de quelques secondes. En un éclair défilent en eux leur famille, leur enfance, leur espoir, leur vie. Et puis c’est le terrain à franchir, avec leur vague, sous un violent tire de barrage des canons de 77 allemands pendant que les salves du 75 français devancent leur course essoufflée. C’étaient les caractéristiques de cette guerre des tranchées, comme chaque guerre a les siennes. Telle était leur épreuve sans doute et le père d’Etienne n’avait pas tort d’écrire à son frère qui, lui aussi, avait deux enfants au front : « Nous unissons nos prières aux vôtres pour que la famille sorte indemne de l’épreuve qu’une bonne partie du genre humain subit en ce moment. »

Marc’Aureliu Pietrasanta

(1) Notre devoir de mémoire ne saurait laisser dans l’ombre le « Comité du livre d’or de la Corse. » Dés l’armistice celui-ci œuvra à l’immense recherche et au recensement de tous les Corses tombés au champ d’honneur en 14-18 et en publia les oms dans un volume dés 1924. Decori, secrétaire général de la présidence de la République fut le premier président du comité et le marquis d’Ornano le deuxième président. Hommage leur soit rendu ainsi qu’à tous ceux qui les secondèrent.

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