Gaël Peltier a intitulé son exposition au FRAC, « The Body Snatcher », et ce titre suggère l’arrachement. Pièce maîtresse de cette exposition : une vidéo, « La conjuration ».
La salle de projection où est diffusée, « La conjuration », évoque une de ces salles de cinéma à l’ancienne. Une salle de quartier avec des fauteuils râpés, un écran qui ne se serait pas encore adapté au format panoramique. Bref, cela suffit amplement pour n’être déjà plus dans un dialogue style internet mais dans un face à face presque cinématographique. A l’image, en gros plan, un homme. L’histoire ? Le récit d’une prise de poids volontaire avec autant d’étapes qui donnent lieu à des sketches. Le tournage s’est fait à New York lors d’une résidence d’artistes. La vidéo respecte l’ordre chronologique de cette marche à la rondeur plus qu’à l’obésité, même s’il y a mutation progressive du visage. Acteur : Gaël Peltier, le plasticien. Étrange jeu de rôle réduit à un personnage qui épingle une société du blabla vorace de mots énoncés, faute de mieux, en poncifs. Logorrhée tiède qui renvoie à un formatage des individus. Il y a de la caricature dans ces avatars de Peltier qui défilent sous nos yeux. Mais cette caricature n’exclut pas un impérieux besoin, plein de désarroi, d’une quête de soi. Les variables expressions de Peltier font une mise en scène renforcée par de multiples accessoires qui vont du cintre en fer dessinant un encadrement à la cagoule, de la casquette de base-ball à la veste de clown. Au final : une succession de petites histoires qui peuvent être si désarmantes de banalité qu’elles en deviennent émouvantes ! En filigrane aussi de l’humour et des brassées de références au cinéma précisant ou amplifiant le propos de l’auteur … Autre pièce à ne pas manquer une courte vidéo montrant un rappeur affligé d’une impressionnante surdité. D’où des gestes, d’où des sons d’une répétitivité saccadée qui s’approche plus de l’autisme profond que d’un quelconque genre musical. Images d’angoisse qui font ressurgir des territoires oubliés de l’humanité. A observer attentivement également deux photographies, l’une en couleur, l’autre en noir et blanc qui témoignent de la rigueur et de la sensibilité de Gaël Peltier ainsi que de son talent à créer des ambiances. Performeur, vidéaste, photographe Gaël Peltier est un artiste de quarante ans, qui vit entre la Corse et Paris. Allez le découvrir en laissant vos a priori au vestiaire, et en regardant son travail avec toute la perspicacité d’une innocence qui appartiendrait à l’enfance.
Michèle Acquaviva-Pache