Journées du patrimoine. Toujours la même affluence des visiteurs des palais et musées nationaux. « A tout seigneur tout honneur » dit-on. La maxime est particulièrement valable pour la Casa Bonaparte unique musée national en Corse. Ces lieux favorisent la rencontre des peuples et de l’Histoire. Endroits de célébrations nationales à l’occasion. Ce fut le cas, encore récemment, on se souvient, d’une exposition des plus intéressantes intitulée « La Légion d’Honneur et les Corses. De sa création au Second Empire ». Dans la Maison Bonaparte même. A l’initiative du commissaire de cette célébration Jean-Pierre Commun-Orsati, sous le haut patronage de Nicolas Sarkozy, Président de la République et aussi Grand Maître de l’ordre de la Légion d’Honneur. A son sujet le Président déclarait : « Il s’agit de l’histoire de notre nation. Quand l’histoire de la France et l’histoire de la Corse ne font qu’une dans la maison natale de son créateur, quel symbole ! De la Révolution française à la fin du Second Empire, en passant par l’épopée napoléonienne, l’histoire a donné des rendez-vous à des héros nés à Ajaccio, Bastia, Corte, La Porta. Honneur et Patrie, la devise de la Légion d’Honneur était aussi la leur ! » Et effectivement, les souvenirs des uns et des autres, généraux, maréchaux, amiraux, ministres, parlementaires, ambassadeurs, écrivains, armateurs, mécènes, à commencer par les rois et empereurs des dynasties des Bonaparte, ainsi que le cardinal Fesch et le Prince-Président de la Seconde République figuraient dans cette manifestation. On pouvait contempler les tableaux de Napoléon distribuant la Légion d’Honneur au camp de Boulogne en 1804, par Charles-Etienne Motte, ou bien celui du Prince-Président décorant un récipiendaire. Et puis c’était un étalage de colliers, de cordons de croix de la L.H., portés sur des portraits, dont celui, bien sûr, de Napoléon en habit du Sacre, ou du Cardinal Fesch, en même temps que des épées, des bijoux, des vêtements et chapeaux de cérémonie de tous ces personnages. On retrouvait ainsi concrètement, dans des cadres ou des vitrines au passage les ornements qui furent ceux de Jean-Thomas Arrighi de Casanova, général d’empire, Philippe-Antoine d’Ornano, Horace Sebastiani, maréchaux de France, Jacques-Pierre Abbatucci, Garde des Sceaux, Etienne Conti conseiller d’Etat et sénateur, Vincent Benedetti, ambassadeur, Salvator Viale, écrivain, Joseph Valery, armateur, Jacques Grandval, industriel et mécène ou la cantinière Marie-Angélique Brulon. La rencontre avec ces portraits, ces vêtements, ces médailles et bijoux rendait plus concrète la présence de tous ces personnages célèbres. Alors ces bijoux, « des hochets » avec lesquels on mènerait les hommes ? Le Premier Consul avait réagi aux objections des conseillers qui se déclaraient contre la fondation de la Légion d’Honneur. Il réfuta leurs arguments disant que cela était contraire à l’égalité démocratique, en citant l’exemple de Rome. Bonaparte rétorqua qu’on lui citait l‘exemple du peuple chez lequel, au contraire, les distinctions étaient le plus marquées « On appelle cela des « hochets » dit-il, eh bien c’est avec ces hochets que l’on mène les hommes. » On voit que le mot n’était pas de lui, mais celui de ses contradicteurs. Il avait ajouté : « Les Français ne sont point changés par dix ans de révolution ; ils sont ce qu’étaient les Gaulois, fiers et légers. Ils n’ont qu’un sentiment : l’honneur. Il faut donc donner de l’aliment à ce sentiment-là ; il leur faut des distinctions. » Voilà qui explique la devise de la Légion d’Honneur ainsi que son nom « Honneur et Patrie ». Comme nombre d’institutions créées par Napoléon celle-ci dure encore aujourd’hui, justifiant ce mot de l’historien Duruy, professeur à l’Ecole Normale Supérieure, créateur de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes : « La Légion d’Honneur, écrit-il, est une des grandes institutions que Bonaparte jetait au milieu du désordre des éléments, comme des blocs de granit, pour servir de bases assurées à la société nouvelle. » En dehors des questions de partis, Bonaparte avait créé un lieu, celui de l’honneur. Quel patrimoine !
Marc’Aureliu Pietrasanta