La balance symbole de ce qui est juste. Depuis cinq mille ans l’humanité se préoccupe du juste poids des choses et des gens. Dans les tombes pharaoniques Osiris pèse les âmes sur la balance. Saint Michel Archange se livre à la même pesée aux fresques des églises. Les Hellènes, Grecs de l’antiquité, avaient Thémis comme déesse de la justice.
Elle était la fille d’Ouranos, le ciel, et de Gaia, la terre. Fille de la matière et de l’esprit. Et depuis toujours, l’humanité craint la falsification des poids et mesures. Déjà le pharaon qui comparaît devant Osiris l’atteste au moment de la pesée : « Alors que mes paroles sont pesées dans la balance, dit-il, que des mensonges ne soient pas prononcés ! » Tout est dit. Justice et vérité sont indissociables. Balance des comptes des Etats, comme des individus. Dans les démocraties d’Occident l’idée de justice est étroitement liée à la société individualiste et à la propriété. Il en est ainsi. C’est leur réalité. L’histoire nous instruit aussi de la richesse des nations. Elle s’est toujours fondée sur les échanges des produits de leur activité. Au début fut le troc. Puis les monnaies métalliques facilitèrent le commerce. Les mines d’or et d’argent ne suffisant plus aux besoins et au développement considérable du commerce, la monnaie de papier succéda au métal. D’abord garantie par l’or et l’argent des banques étatiques. Puis indexée sur la livre britannique ou le dollar. Enfin, aujourd’hui, dégagée de toute entrave. Entre-temps était survenu le Crédit. Son usage s’ajoute au papier monnaie pour grossir la masse monétaire. Son abus par l’Etat peut servir de détour à l’inflation. Et donner tout son sens à cette réflexion de Napoléon assurant que le papier monnaie « est le plus grand fléau des nations. Il est au moral ce que la peste est au physique. » Les souvenirs conservés par l’Histoire sont cuisants. L’échec des assignats en France sous le Directoire. L’inflation allemande gigantesque au temps de la République de Weimar. L’Europe a gardé le souvenir d’un Hitler sans foi ni loi déchirant les traités signés par le Reich. Mais elle se souvient aussi d’un Churchill et de son langage de vérité, promettant à son peuple « le sang, la sueur et les larmes. » pour faire face à l’épreuve. Il en fut de même pour De Gaulle, annonçant « un ensemble de mesures financières, économiques et sociales qui établit la nation sur une base de sincérité. » et déclarant que « sans cet effort et ces sacrifices, nous resterions un pays à la traîne, oscillant perpétuellement entre le drame et la médiocrité. » Telles sont les leçons de l’Histoire. Alors, où en est l’Europe en ce mois de mai 2012, avec ses Etats endettés jusqu’à l’os et son pacte de stabilité déchiré ? Dans le palais de justice de Paris, le passant peut voir, face à une horloge, une statue de Thémis tenant de la main gauche un bandeau qu’elle a ôté de ses yeux et de l’autre la balance. L’heure n’est plus aux Rolex et aux bandeaux. Celle du jugement de Thémis n’y est pas indiquée. Dans la basse-cour européenne pendant que l’euro chute, les coquelets ébouriffés, aux plumes rougeâtres ou bleuâtres s’agitent et piaillent griffant leurs fientes. Mais la Mère-Poule Europe attend encore le chant du coq qui viendra la réveiller au soleil de la vérité.
Marc’Aureliu Pietrasanta