Depuis 1992, date de création de l’association "a nostra mela", la filière pomicole poursuit son chemin en Corse. Avec une production annuelle moyenne qui varie entre 6 et 8 tonnes, sans omettre un jus de pomme particulièrement recherché (qui représente 2000 litres par an), elle semble en phase de pérennisation. Pour autant, François Urbani, président de l’association refuse de verser dans l’optimisme. Conscient des enjeux relatifs à une filière qui ne demande qu’à se développer ainsi qu’à ses retombées pour la micro-région du Prunelli, il évoque, dans cet entretien, la 18e édition des "journées de la pomme", avec, en toile de fond, les perspectives d’avenir de la filière.
Votre association "a nostra mela", organise, ces 29 et 30 octobre, les traditionnelles "journées de la pomme". Comment se présente cette 18e édition ?
Très bien. Toute l’équipe a travaillé durant l’année afin de présenter une foire qui se veut la vitrine de la filière. Nous aurons une soixantaine d’exposants qui proposeront différents produits d’automne, notamment la charcuterie "primeur" avec les premiers figatelli. L’essentiel sera, bien entendu, articulé autour de la pomme, principalement la "Reinette du Prunelli", produite à Bastelica et Tolla. Cette foire a mûri et prend une ampleur considérable malgré une récolte très moyenne (environ 5 à 6 tonnes), cette année, en raison des mauvaises conditions météo surtout en période de floraison. Comme chaque année, nous jouons l’alternance, c’est donc Tolla qui accueille la manifestation.
Qu’attendez-vous de ces journées ?
Nous voulons dynamiser la filière et ces journées, une fois l’an, permettent d’avoir un éclairage sur le travail effectué en zone de montagne. C’est aussi une façon de montrer nos produits. La "reinette du Prunelli" est une pomme endémique dont on a retrouvé, grâce à des recherches historiques, une trace au début du XVIIIe siècle. Quant au jus de pomme, sa notoriété est, d’ores et déjà établie.
Comment cette manifestation, est-elle née ?
Il faut savoir que la culture de la pomme constitua, très longtemps, dans la vallée du Prunelli, une activité pérenne. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, la production annuelle oscillait entre 120 et 130 tonnes. On exportait dans toute la Corse et même jusque dans la région PACA. Après les deux guerres, l’activité s’est progressivement éteinte en raison de l’absence de population active. En 1992, les propriétaires de la micro-région ont décidé de faire renaître la pommeraie dans la vallée. Ils se sont regroupés au sein de l’association "a nostra mela". La première année, nous avons produit 8 tonnes ! Nous sommes, ensuite, partis sur l’idée de créer ces journées, à partir, comme c’est le cas avec d’autres foires à thème, d’un produit de qualité.
Qu’en est-il de la filière pomicole, aujourd’hui ?
Elle se construit doucement même si l’on attend toujours plus au niveau des résultats. Nous avons à Bastelica, depuis 2001, une unité de transformation qui est très performante et l’on mise en outre, sur le jus de pomme, qui est de plus en plus recherché. Nous en produisons environ 2000 litres par an. Bien souvent, nous ne parvenons pas à répondre à toutes les demandes. Depuis 1999, un programme filière complet de reforestation et d’irrigation a été mis en place avec la CTC. Notre travail consiste à entretenir les vieux vergers, à procéder à des renouvellements, notamment grâce à des plants que nous greffons.
Les producteurs ?
On en recense, environ, une soixantaine pour 4000 pommiers répartis sur 90 à 95 hectares. Ces chiffres montrent bien que nous avons un potentiel énorme. L’essor passe, néanmoins, par l’arrivée de jeunes producteurs. Mais il n’est pas évident de les attirer vers cette filière car il est très difficile, aujourd’hui en Corse, de travailler en zone de montagne. Souvent, il faut plusieurs secteurs d’activités. L’installation des jeunes et leur pérennisation en zone rurale est une problématique à laquelle il faut rapidement songer, quelle que soit la filière.
Quelle place, la filière pomicole occupe t-elle, par rapport aux autres dont certaines ont acquis leurs lettres de noblesse ?
Le produit est reconnu, de même que la filière. Nous drainons, chaque année, près de 4000 visiteurs lors des "journées" il y a donc, à mon sens, une dynamique qui se créée autour de la pomiculture. Maintenant, on ne peut pas, pour autant, parler de pérennisation. Il manque pour cela, même si ce n’est pas évident à mettre en place, plus d’investissement sur le terrain et surtout l’installation de jeunes producteurs afin de donner un élan nouveau à la filière. Elle est en bonne voie. D’autant que les terrains ne manquent pas. Nous avons le potentiel, avec des exploitations modernes, pour arriver à 600 pommiers par hectare ! C’est tout dire. Mais l’on ne pourra pas engager la filière sans un solide consensus préalable entre les producteurs.
Interview réalisée par Joseph Albertini