S’il existe un domaine, à la fois bien connu des Ajacciens et dont pourtant l’histoire reste méconnue, il s’agit bien des Milelli, la maison familiale de l’Empereur Napoléon. Niché sur les hauteurs d’Ajaccio, le site offre un panorama exceptionnel de la cité impériale, « Milelli » du latin « admirari », un admirable point de vue ? René SANTONI dans le livre « Les Milelli. Le cabinet de travail de Bonaparte à Ajaccio », aux éditions René SANTONI, a tenté de lever le voile sur l’histoire de la maison de campagne des Bonaparte, mais aussi sur une période trouble de l’histoire de Corse. Ainsi, par cet ouvrage, René SANTONI a tenu à rappeler l’histoire tourmentée de ce site qui est intimement liée à l’inimitié qui a opposé Napoléon à son ami d’enfance, Charles-André Pozzo di Borgo pendant la période révolutionnaire et le retour de Pascal Paoli (1790-1795). Pour la famille comme pour l’empereur de retour de ses campagnes militaires, ce site aura toujours constitué un havre de repos. En 1799, de retour d’Égypte, Napoléon y séjourne en compagnie de Murat, Lannes et du contre-amiral Gantheaume, les 2 et 3 octobre. Deux jours plus tard, Napoléon quittera son île natale, pour ne plus jamais y revenir. L’occhji di Napulione averanu tinutu à mente issi lochi di paci è di sognu, ellu chì si n’andarà par sempri, fora di Corsica, ind’è u fracassu di a storia. Rencontre avec René SANTONI.
Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire des Milelli, un lieu pour lequel Napoléon eut une véritable passion ?
Le domaine des Milelli, malgré la place qu’il a occupé dans l’histoire de la Corse est pratiquement inconnu des insulaires, à l’exception des Ajacciens qui visitent régulièrement l’arboretum et les jardins potagers remarquablement entretenus par l’association que préside Mme Marie-Laure Lambruschini. J’ai donc choisi de retracer les origines de cette propriété, attribuée dans un premier temps aux pères jésuites chargés de l’éducation en Corse depuis le début des années 1600, comme partout dans le monde.
Ce lieu est intimement rattaché à l’histoire de la Corse (Paoli, Pozzo di Borgo) ?
Oui en effet, ce lieu nous fait revivre dans un premier temps, le bannissement de ces religieux par toutes les cours européennes à partir de 1750, et plus particulièrement leur expulsion d’Espagne en 1767, ainsi que l’hospitalité qui leur avait été offerte en Corse entre 1767 et 1768 par la République de Gênes. Cette présence fut mal perçue par les Français qui occupaient les places fortifiées de la Corse (Présides), à la demande de Gênes, en vertu du traité de Compiègne de 1764. La France, ayant également expulsé les Jésuites de son territoire, manifesta sa réprobation en se retirant des places occupées, à nouveau attaquées par les Corses, laissant les troupes génoises retranchées derrières les fortifications. On peut penser que cette brouille entre Louis XV et Gênes, fut à l’origine du traité de Versailles de 1768 signé l’année suivante entrainant l’annexion de la Corse par la France.
Les Milelli, un lieu marqué par les Bonaparte ?
En effet, dans un deuxième temps, ce domaine sera au cœur de l’histoire de la Corse. Puisqu’à partir de 1786, après la mort de Charles Bonaparte, les Milelli seront loués pour 99 ans à la famille Bonaparte, ainsi que la maison dite « la Badine » située dans la vieille ville, avant qu’un décret de la Convention ne supprime ce bail le 2 septembre 1792. Après l’expulsion des Bonaparte de la Corse, en juin 1793, qui vit la famille de Napoléon pourchassée jusqu’aux Milelli où elle s’était réfugiée, le domaine fut redonné en location aux Pozzo di Borgo, les ennemis de Bonaparte, le 4 juillet 1793. Il fallut attendre la fin du royaume anglo-corse (1794-1796) pour que Joseph Bonaparte, rentré en Corse à la fin de l’année 1796 en compagnie de Miot, achète les Milelli en mars 1797. Bonaparte, lors de son retour d’Egypte fit escale à Ajaccio du 30 septembre au 7 octobre 1799. Pendant ce court séjour, il fera visiter les Milelli à son état-major et aux quelques savants qui l’accompagnaient. A l’issue d’un repas servi autour d’un grand chêne, si cher au jeune Napoléon, les généraux de sa suite, qui devaient devenir les dignitaires de l’Empire (Murat, Lannes Berthier, de La Valette, Duroc, de Bourrienne, Marmont, Andreossy…) s’adonnèrent à la chasse. Pendant ce temps, Napoléon profita de la présence des savants Monge et Bertholet, tous deux fondateurs de la prodigieuse « Ecole Polytechnique » pour étudier sur place les possibilités de captation des sources de « Lisa » afin d’alimenter Ajaccio en eau potable. Cette opération sera réalisée en 1807. Cette escale Ajaccienne permit à Bonaparte, auquel la quarantaine légale ne fut pas imposée par les services sanitaires de la ville, de préparer et de réussir son coup d’Etat du 18 brumaire qui eut lieu le mois suivant (le 9 novembre 1799).
Enfin ce domaine revint à la ville d’Ajaccio ?
En effet, le 1er août de la même année, Joseph Bonaparte vendit le domaine à son oncle Joseph Fesch (le futur Cardinal) qui, à sa mort, légua toutes ses propriétés corses à la ville d’Ajaccio (près de 380 hectares.).
Lisa d’Orazio