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L’ARBITRE DES DEUX SIÈCLES

jeudi 1er décembre 2011, par Journal de la Corse

Mi-novembre 2011. Raccourci d’actualité en quelques flashs. Cérémonie officielle à la tombe du soldat inconnu pour commémorer l’armistice de 1918. Sur le « Triomphe de 1810 », l’un des groupes sculptés de l’Arc de Triomphe s’avance la statue de Napoléon. C’est aussi l’heure des bilans de la saison touristique. Outre celui de l’Etoile, les monuments rappelant l’Empereur figurent parmi les plus visités. Colonne Vendôme, Arc du Carrousel, tombeau des Invalides. Cerise sur le gâteau. Mais non des moindres, le Napoléon de Max Gallo. Il inaugure la collection dite « Ils ont fait la France ». Un mémento extrêmement bien structuré la biographie de l’homme « qui est bien plus qu’un héros français, le plus reconnu parmi ceux qui ont fait la France il est le compagnon de Prométhée. une des incarnations de l’imaginaire des hommes. » Ainsi s’exprime Max Gallo. Il nous propose un inventaire complet de la vie et de l’œuvre. Chaque Français y choisira son Napoléon, celui des victoires ou celui de la chute. Celui qui a fondé les régimes modernes, ou celui de l’ogre et de ses hécatombes. Austerlitz ou Waterloo. Mais l’auteur semble bien pencher pour en faire, au-delà des catégories historiques, un héros de la mythologie inscrit dans la mémoire de l’histoire universelle. Encore un Napoléon, direz-vous ! Non, je vous certifie que vous échapperez à la langue de bois de certains écrivains actuels. Rien de ces salmigondis indigestes ne viendra contrarier votre goût de la bonne gastronomie historique. Et vous aurez le plaisir de découvertes succulentes. Alors, bien sûr, Napoléon a été l’un de ceux qui ont fait la France. Il n’est pas étonnant non plus que l’académicien lui ait donné le premier rang parmi les personnages choisis pour avoir participé à cette œuvre. On peut même aller plus loin que Max Gallo et penser qu’aucune des autres figures, si grandes et si belles soient-elles, n’a approché l’éclat de Napoléon. Mais on peut se permettre tout au moins de croire qu’il est un des trois grands mythes historiques avec Jeanne d’Arc et Charlemagne. Celui-ci est d’ailleurs curieusement oublié dans sa liste par l’historien. Dommage ! Napoléon pour sa part prétendait en avoir repris le sceptre à mille ans de distance. On n’énumérera pas ici des institutions innombrables que Napoléon par ses réformes réussies a léguées à la France d’aujourd’hui. Rappelons seulement ses codes, ses universités et la Banque de France ou les sapeurs-pompiers. Mais poète lui-même (l’histoire ne comporte-t-elle pas une part importante d’imagination ?) il a été glorifié par les écrivains romantiques. Stendhal, Balzac et Hugo ont accordé une large part d’inspiration à la légende napoléonienne inaugurée par le mémorial de Sainte Hélène. »Napoléon allant s’endormir sous le saule/Et les peuples d’alors, de l’un à l’autre pôle/Oubliant le tyran s’éprirent du héros. » (Hugo, les Châtiments). C’est au grand Frédéric, à César, Annibal, Alexandre, à tous ces hommes extraordinaires que l’on a comparé Napoléon. Sa mort fut connue en Corse par une insertion au » Journal de la Corse » n°35 du 21 juillet 1821. L’historien Renucci a décrit l’immense émotion qui saisit alors les habitants de l’île. « Le deuil y fut général et particulièrement à Ajaccio. Les insulaires revêtirent des habits de deuil. Pendant plusieurs jours, il n’y eut ni sons ni chants, les rues étaient désertes, les fenêtres closes, un silence religieux, expression de la douleur, régnait partout. » La foule se rappela alors que le 5 mai, à six heures du soir on avait vu une comète partir du fond du golfe, traverser la ville et aller se perdre non loin du Borgo... Le phénomène est exact mais la foule, portée par le merveilleux, voulut y voir l’âme de Napoléon, avant de quitter ce bas monde dire un ultime adieu à son pays natal. Nous terminerons par ces vers de Manzoni, le dernier poète de la patrie de Virgile, chantant le dernier guerrier de la patrie de César. « Il éprouva tout - dit Manzoni - la gloire plus grande après le péril, la fuite et la victoire, la royauté et le triste exil, deux fois dans la poussière et deux fois sur l’autel. Il se nomma : deux siècles l’un contre l’autre armés se tournèrent vers lui, attendant leur sort. Il fit silence et s’assit arbitre entre eux.

Marc’Aureliu Pietrasanta

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