Bien des gens, y compris certains mélomanes sincères, tendent à ne voir en Mascagni que le compositeur de « Cavalerìa Rusticana », l’opéra qui reçut un accueil triomphal dès sa création et qui continue à faire le tour du monde. Or, ce maître du vérisme a écrit bon nombre d’opéras dont plus d’un mériteraient d’être représentés. Ne citons que l’idyllique « Amico Fritz », le romantique « Gugliemo Ratcliff », « Silvaner », « Zanetto », « Iris » etc… Le vérisme musical désigne un type d’opéra qui s’épanouit en Italie peu après l’affirmation du mouvement littéraire du même nom, contenu dans le cadre des scènes de la vie quotidienne et donnant des drames à l’intérieur d’un monde paysan et sous prolétaire. Six personnalités principales le représentent : Mascagni, Leoncavallo, Giordano, Cilea, Franchetti (le moins reconnu) Puccini enfin dont le génie dépasse les principes du vérisme strict. Composé un an à peine après Cavalerìa Rusticana, « l’Amico Fritz » connut à son tour une création triomphale. Pratiquement disparu des affiches après la guerre, l’oeuvre fut reprise à la Scala en 1963 sous la direction du maître Gianandrea Gavazzeni, avec Mirella Freni et Luciano Pavarotti. Cinq ans plus tard, cette représentation connut un enregistrement désormais historique (1). En voici quelques échos : Le duo Freni-Pavarotti est superbe. Le Royal Opera House Chorus et l’Orchestre du Royal Opera House pouvaient se féliciter de leur prestation. « Maîtrise de la forme, note Piotr Kadinsky (2), et subtilité de l’expression, Mascagni concentre ses efforts sur la transition et l’enchaînement, enrichissant son vocabulaire harmonique au point d’avoir surpris Verdi alors que les audaces mal venues à l’époque qu’on y trouve nous inspirent aujourd’hui une sorte d’attendrissement assorti au ton de l’ouvrage ».L’orchestration est subtile et raffinée, l’écriture vocale fluide et souple. A remarquer : les deux duos du deuxième acte avec le célèbre « duo des cerises ». C’est Bernard Shaw qui déclarait après la création londonienne : « Je crois pouvoir résumer l’œuvre en disant qu’elle a tous les charmes d’un beau jour férié ». On s’étonne que les théâtres lyriques ne nous offrent que rarement cette heureuse partition.
Vincent Azamberti
(1)Emi Classics 50 999 9 48 258 24
(2)« Mille et un opérés » Fayard 2003