Le Baccalauréat et ses épreuves. Celle de philosophie a frappé notre attention sur ce sujet : « Serions plus libres sans l’Etat ? ». Nous voici plongés dans un monde flottant de souvenirs, d’images et de lectures. Des figures de l’Etat remontent depuis l’Etat Léviathan, monstre froid suçant le sang des hommes, jusqu’à l’Etat Providence leur déversant sa corne d’abondance. Apparition de Montesquieu, inévitablement. « L’Etat populaire, écrivait-il, est la liberté des personnes pauvres et faibles et la servitude des personnes riches et puissantes. La monarchie est la liberté des grands et la servitude des petits. » Parler de monarchie c’est rappeler Louis XIV, le Roi Soleil. « L’Etat c’est moi ! » et ses dépenses somptueuses. Surgit alors le bon La Fontaine, montrant le revers du Soleil de Versailles. Ce sont les gémissements du sujet, taillable et corvéable à merci. « Pas de pain quelquefois et jamais de repos/Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts/le créancier et la corvée/lui font d’un malheureux la peinture achevée. »
La dissipation des Finances de l’Etat par Calonne, Premier ministre de l’indécis Louis XVI fit que le prodigue ne pouvait plus emprunter ni prélever de nouveaux impôts. Il fallut alors convoquer les Etats Généraux. Ainsi naquît la Révolution. Voici que le vieillard du Bozio pointe son visage exaspéré. Le fisc génois était sans pitié. Lanfranchi, di Cardone en fut la victime en 1729. Cet homme de Bustanico poussa les hauts cris. Ses gémissements furent l’étincelle qui mit le feu aux poudres des Révolutions de l’île. Les Corses se révoltèrent en criant « N’entendez-vous pas la voix du vieux du Bozio ? » et « Vive le peuple ! Vive la liberté ! ». « Il est temps d’en finir avec les oppresseurs. » Le fisc est de tous les pays. Au 18e siècle en Chine, on envoyait chez les contribuables en défaut des vieillards, des infirmes et des pauvres pour y vivre à leurs dépens, jusqu’à ce qu’ils aient payé leur dette à l’Etat. On allait solliciter ainsi la compassion et l’humanité dans le cœur des citoyens par le spectacle de la misère et non pas soulever leur indignation par la volonté des saisies et les menaces. Notre vagabondage s’est arrêté là. De nos jours la fonction de l’impôt s’est transformée. Uniquement fiscale à l’origine elle tendait à fournir au Trésor les fonds dont il avait besoin. Cette mission subsiste. Mais il s’y ajoute une fonction économique et sociale de plus en plus importante. Changement essentiel. Il combine les impératifs de justice avec ceux d’efficacité et de rendement. Les sommes prélevées comportent les prestations, subventions et dépenses d’assistance aujourd’hui incontournables. On comprend donc l’importance de la fiscalité dans l’économie française. L’autre apport important dans la manière pour l’Etat de se procurer des ressources consiste dans l’emprunt. Dés lors se posent deux grandes questions économiques, d’actualité immédiate. Jusqu’où la charge fiscale par rapport au PIB (produit intérieur brut) peut-elle grimper sans compromettre la compétitivité des entreprises ? Jusqu’où la capacité de l’Etat d’emprunter à un taux favorable, peut-elle se maintenir ? Ceci est une autre histoire. Mais le tour de cet itinéraire mémoriel et vagabond n’est pas étranger aux relations de l’Etat et de la Liberté.
Marc’Aureliu Pietrasanta