« Force est de constater que sont surtout vendus en France les films qui véhiculent des stéréotypes sur l’Italie » Oreste Sacchelli
Vous êtes responsable du festival italien de Villerupt et pour la dix septième fois vous avez présenté des films « made in Italia » à Bastia. Votre sentiment après cette édition ?
Au fil des ans j’ai vu grossir le nombre de spectateurs, mais jamais comme cette année ! Ce succès prouve l’adéquation entre le festival, le public, et le lieu. On sent aussi chez les spectateurs une maturité et une exigence de plus en plus grandes. Partout les festivals attirent beaucoup plus de public que la pratique régulière du cinéma. Sans doute parce que le public estime que les organisateurs font, à son intention, des efforts de sélection des films.
Quel est l’état de santé du cinéma italien ?
L’an passé il y a eu 140 productions, un chiffre en augmentation. Pareil pour le nombre d’entrées en salles : 110 millions. Quant au film Italien il enlève chez lui le tiers des parts de marché. Tout cela est rassurant. Ce qui l’est moins c’est la diminution des aides de l’Etat, qui s’établit à 20% de l’investissement nécessaire pour un film.
Où se situe exactement le danger ?
Après des études cinématographiques ont peut commencer une carrière en passant par les circuits de la pub, du clip, de la télévision ou encore par l’écriture de scénario. C’est-à-dire suivant les rouages internes de l’audiovisuel. Mais cela peut comporter des risques de formatage et laisser sur le bord de la route les jeunes créateurs qui partent de rien, et qui généralement bousculent les formes. Or, ce sont eux qui ont un besoin impératif des aides de l’Etat.
Comment expliquer le succès des films italiens auprès du public bastiais ?
Par une sensibilité très proche, en particulier au plan linguistique. Mais ailleurs également on enregistre le même engouement. Partout en France les semaines de cinéma italien se multiplient. Tous les jours il y a de nouvelles initiatives. En outre vient de se créer à Paris une société spécialisée dans la distribution de films de la Péninsule.
Pour quelle raison le comique de Carlo Verdone, qui n’est pas des plus légers, a-t-il fait-rire Bastia aux éclats ?
Le problème avec Verdone est que ses films ne sont pas exportés. On ne peut donc savoir s’il est aussi apprécié dans l’Hexagone que chez lui ou à Bastia. A son sujet les exportateurs de cinéma italien n’ont pas fait leur travail. Peut-être se disent-ils qu’il suffit que ses réalisations soient rentabilisées par sa grande audience italienne ! Force est de constater que sont surtout vendus en France des films qui véhiculent des stéréotypes sur l’Italie.
La crise économique a-t-elle de graves répercussions sur la production ?
Très fortes … sur les aides de l’état. Le ministre de l’Economie ne vient-il pas de déclarer : « La culture ne fait pas bouillir la marmite ! » A quoi les culturels ont répondu que le patrimoine de l’Italie ne se limitait pas au sauvetage de Pompei et que le savoir faire c’est également le film, l’opéra, le théâtre …
Quid des problèmes politiques de l’heure ?
En dehors du documentaire le cinéaste qui veut dénoncer la politique de Berlusconi doit trouver une histoire, un langage qui touche le public, et ce n’est pas évident ! Quand on prend en compte le débat actuel sur l’unité italienne, qui fête, cette année, son 150ème anniversaire, on voit qu’un film comme « Benvenuti al Sud » a un impact politique que n’a pas eu, en France, « Bienvenue chez les Ch’tis », qui s’appuie essentiellement sur des ressorts et des clivages climatiques !
Parmi les cinéastes représentés à Bastia qui faut-il suivre très attentivement ?
Entre les festivals de Villerupt, d’Annecy, de Bastia nous découvrons chaque année une quinzaine de débutants prometteurs. Il et donc impossible de se borner à citer un, deux, ou même trois noms.
Propos recueillis par M.A-P