« Dans les souterrains de la Citadelle on a mis l’accent sur une expérience déambulatoire sensorielle en décor naturel. » Marc-Antoine Mathieu
Pourquoi le livre « Rupestres » évoquant en BD l’art pariétal ?
Au départ on ne pensait pas vraiment à un livre. On avait simplement un désir d’aller à la rencontre de nos ancêtres dessinateurs et de voir leurs œuvres dans les grottes du Périgord, de l’Ariège et de Dordogne. Cette initiative revient surtout à David Prudhomme qui connait bien la préhistoire. En fait on voulait tous les six, David Prudhomme, Troub’s, Etienne Davodeau, Pascal Rabaté, Emmanuel Guibert et moi passer quelques jours ensemble. Cette expérience de découverte de l’art pariétal nous a plu, enrichi, interrogé. Alors on l’a recommencée deux fois, trois fois, et l’idée d’un livre collectif est née.
Dans la foulée une exposition était une évidence ?
Pas une évidence, mais on s’est vite dit que ce serait bien ! Question : comment exposer ces dessins fait à partir de ceux des grottes ? Pour notre première exposition du genre on a joué la carte de l’art contemporain en faisant le choix d’un parking souterrain. C’était d’ailleurs plus une expérience de peinture en temps réel qu’une expo proprement dite. Pour Bastia on a réfléchi et on est tombé sur la citerne du Palais des Gouverneurs.
L’intérêt de ce lieu précis ?
Il offrait toutes les conditions recherchées : son accès comportait la nécessité de descendre, il était obscur avec un champ de lumière restreint et son acoustique était remarquable. Avec ses voûtes très hautes et son entrée en balcon on peut parfaitement jouer avec toutes les possibilités que donnent l’espace, le vide, le son. C’est un endroit plein de mystère ce qui rend possible un voyage de 30 000 ans dans le temps.
La médaille avait-elle son revers ?
L’exposition en elle-même est simple, sans fioriture. Dans les souterrains de la Citadelle on a mis l’accent sur une expérience déambulatoire sensorielle en décor naturel. Le visiteur descend en baignant dans l’ombre, éclairé par une lampe frontale. A l’arrivée nous misons sur quelque chose qui ressemble à une légère perte du contrôle des sens.
Quelles œuvres avez-vous choisi de présenter ?
Il y a deux types de travaux. Dans le couloir d’accès à la citerne on a choisi des dessins centrés sur la réflexion, sur les interrogations philosophiques, graphiques, sociologiques qui ont surgi lors de nos visites des grottes, et en l’occurrence il s’agit de BD. Dans la citerne elle-même on a opté pour l’émotion visuelle grâce à une sorte de diaporama projetant d’immenses images à partir de croquis bruts réalisés sur place.
Les artistes réunis autour de « Rupestres » ont-ils eu des réactions identiques face à l’art pariétal ?
Dans les grottes certains ont dessiné tout de suite les animaux vus sur les parois tandis que d’autres dessinaient les dessinateurs ! Chaque protagoniste évoluait dans sa ressemblance et sa diversité à l’autre.
Ce qui vous différencie en tant qu’artiste est-il plus important que ce qui vous ressemble ?
La ligne graphique des uns et des autres est révélatrice du message développé. Certains pour retrouver le trait originel dessinent très librement. D’autres sont restés dans leur trait personnel. Par rapport au sujet ces derniers sont plus dans l’intellect que dans le lien physique. Et puis il y a ceux qui se situent entre les deux… Mais tous ont un point commun : ils ont fait marcher leur imagination. Car en l’état des connaissances sur l’art pariétal, qui sont limitées, on est rapidement contraint d’imaginer.
Qu’est-ce qui vous interpelle, vous, dans l’art pariétal ?
La réflexion philosophique autour de la naissance de la mémoire avec le rôle qu’a dû forcément jouer le dessin puisqu’il est présent dans les grottes. C’est pourquoi ces premiers dessins venus du fond des âges sont si magnifiques.
Par cette exposition que voulez-vous donner au visiteur ?
L’occasion d’une balade en rêveries …
Propos recueillis par M. A-P
Le livre « Rupestres » sort tout spécialement pour « La BD à Bastia ». L’ouvrage qui réunit Marc-Antoine Mathieu, David Prudhomme, Pascal Rabaté, Etienne Davodeau, Troub’s, Emanuel Guibert, est édité par Futuropolis. Samedi 2 avril, à 14 h, au musée d’histoire de la Citadelle les auteurs du livre débattent avec le public.