«  Operata Culturale  » s’inscrit dans le mouvement qui voit la Corse commencer à sortir de l’archaïsme, du conservatisme et libérer de la créativité  » Edmond Simeoni L’intérêt à vos yeux de s’impliquer dans une démarche telle «  Operata Culturale  »Â ? C’est une nécessité absolue car dans nos sociétés si on n’est pas organisé, on n’a pas voix au chapitre. «  Operata Culturale  » a le mérite de structurer un courant culturel important : les auteurs, créant ainsi une force de témoignage qui n’existait pas et lui procurant de la lisibilité. Est-ce étonnant de voir – ici et maintenant – des gens si différents, écrivant dans des genres si variés adhérer à «  Operata Culturale  »Â ? A priori ça peut surprendre. Mais si l’on décrypte ce qui se passe depuis une dizaine d’années, on n’a pas de raison de s’étonner parce que les choses sont en train de bouger dans notre système figé. On s’aperçoit, en effet, que se multiplient les initiatives dans les villages, en ville, par l’intermédiaire du net pour faire revivre des liens sociaux. «  Operata Culturale  » s’inscrit dans le mouvement qui voit la Corse commencer à sortir de l’archaïsme, du conservatisme, et libérer de la créativité. Il est dans l’air du temps de pronostiquer la mort du livre … Un peu rapide d’enterrer l’imprimé ? On vit une inflation massive de l’information, de la communication avec l’irruption et l’explosion des nouvelles technologies. Mais l’écrit imprimé reste irremplaçable parce qu’il se lit et se relit, s’annote et s’archive facilement. Personnellement l’essentiel de ma culture politique vient de là . C’est mon instrument de travail, mon recours. D’ailleurs l’utilisation que je fais de l’ordinateur n’est pas optimale puisque je m’en tiens – comme beaucoup – au traitement de texte, au mail, à certaines consultations d’internet. La littérature – la fiction – a en Corse une réputation assez médiocre. D’où cela vient-il selon vous ? On est dans une société qui demeure encore archaïque puisqu’on continue trop souvent à reprendre des comportements et des analyses anciennes pour les reproduire dans le monde d’aujourd’hui. Dans ce type de société d’autarcie, d’enfermement prime l’utilitarisme, et l’imagination, le rêve n’ont que peu de place !.. Sauf chez les bergers, gens de solitude vivant en osmose avec la nature, qui avaient, eux, un imaginaire très fort, d’où leur don pour la poésie, pour la polyphonie. Mais leurs créations ils ne les ont pas transcrites. Pourquoi les partis confondent-ils si fréquemment politique culturelle avec catalogue de mesures – au mieux avec vague feuille de route ? A mon avis les électeurs et les candidats n’ont pas compris la nature profonde de la culture. Ils la voient comme un adjuvant et ne se prononcent pas sur sa finalité… On ignore trop que culture, éducation, formation sont les socles des apprentissages. Les Corses sont très attachés à la préservation de la nature, mais paradoxalement ce sont des prédateurs qui n’ont pas saisi que préserver l’environnement représente un grand potentiel d’emplois. Il en va de même avec la culture, car ils n’ont pas conscience de la force qu’elle est pour imaginer la société de demain puisqu’elle est ouverture, échange, intelligence. Dans le domaine de la langue corse le stade des vÅ“ux pieux est dépassé, des acquis sont engrangés. Mais comment expliquer que ce ne soit pas encore le sauvetage assuré ? La langue corse a souffert de la francisation organisée, de la disparition du toscan et de l’italien, du passage d’une société agro-sylvestro-pastrorale à l’urbanisation, du bannissement de l’école et de l’idée de promotion sociale. Heureusement il y a eu le «  riacquistu  » ! Des progrès ont été réalisés dans le domaine scolaire. Autre avancée récente : la formation à la langue corse des fonctionnaires territoriaux par l’Etat. Importantes encore les compétences de l’assemblée de Corse en matière de langue et culture corses. A retenir aussi que la revendication du corse n’est plus seulement le fait des nationalistes mais de tout le monde. Reste le retard entre langue parlée et langue enseignée … à combler par les acteurs culturels. Propos recueillis par M.A-P Â