Elle a un talent fou, Elle compte parmi les meilleurs pianistes du moment, on l’a invitée dès 1986 au Festival d’Aix en Provence, sa ville natale (1969), à celui de La Roque d’Anthéron l’année d’après, à Tokyo, puis à Paris. Une carrière internationale la conduit vite dans le monde entier où elle explore le pouvoir universel de la musique. Ses origines diverses et plus ou moins proches, italiennes, allemandes, nord africaines et corses en font comme une citoyenne du monde, du moins une artiste exceptionnelle à la personnalité très ouverte. Dans le livret d’un album paru en 2003, elle accordait une interview dans laquelle l’essentiel de son être se profilait, femme surdouée et musicienne d’élite. Une conscience libre, rejetant toute obéissance aveugle à n’importe quelle idéologie et tous les instincts négatifs transcendés par l’acceptation et la réconciliation. Le piano pour Hélène Grimaud ou plutôt la musique en son immense étendue, offrit à son attention dès l’enfance « un gouffre sans fond, selon ses propres termes, qu’elle n’aurait jamais fini d’explorer ».Vision transcendante de ceux que l’infini sollicite et en savent l’inaccessibilité radicale. Un CD destiné à des œuvres de J.S.Bach et gravé par Hélène Grimaud pour Deutsche Grammophone. On y trouve six pièces extraites du clavier bien tempéré, le concerto pour piano n°1 en ré mineur, la Chacone en ré mineur adaptée par Ferruccio Busoni de la Partita n°2 pour violon, et le Prélude et fugue en la mineur pour orgue adapté par Liszt pour le piano. Un penchant regrettable de certains pianistes consiste à jouer Bach trop vite. Au lieu de soigner l’expression ils jettent un défi à la virtuosité gratuite. Ainsi vident-ils les œuvres concernées de leur contenu mélodique. Hélène Grimaud ne cède guère à ce défi qui ne signifie rien. Elle sait parfaitement qu’une des vertus de la musique tient à ce qu’on la « chante », c’est-à-dire, dans ce contexte, à ce qu’on en déploie les thèmes de façon à ce qu’on ne les prive pas de leur saveur lyrique. Non qu’elle ne tombe jamais dans l’excès inverse. Elle est bien trop artiste. Son art qu’inspire une sensibilité maîtrisée mais franche et sincère s’offre en plénitude. Quel est le but de ce disque ? Lui demande-t-on. Elle répond : « Il jaillit d’une interrogation : pourquoi la musique de Bach touche-t-elle tout le monde et parle-t-elle à tout le monde ? Je voulais me rapprocher du secret de son pouvoir universel ».
Vincent Azamberti
(1) Deutsche Gramophon 00289 477 7978