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Galerie Orenga de Patrimonio Exposition(s) Luc et Ange Leccia

jeudi 16 août 2012, par Journal de la Corse

L’idée est venue du vigneron-caviste-amateur d’art. Bonne idée. Luc, le père et ses sculptures réalisées à partir de galets façonnés par la mer. Ange, le fils et ses photographies comme autant de propositions qui sont des relectures du travail du père. Surprenant de beauté ce résultat en double. Tout semble pureté et sérénité. Des oeuvres bienfaisantes apportant cet apaisement de l’âme qui favorise le questionnement fertile. Les sculptures de Luc Leccia nées d’un matériau plurimillénaire cueilli au rivage de la mer ont une grâce puissante ou plutôt vigoureuse. Pierres très ordinaires œuvrées par la vague, fruit de l’usure provoquée par une érosion sans répit érodante. Pierres si intemporelles que mises en scène par le sculpteur elles acquièrent une charge très contemporaine… Paradoxe. Apparent… Les pierres sous les doigts de l’artiste, en symbiose avec son émotion artistique, se métamorphosent en sculptures – sans altérer leur matière ou leur forme – pour nous offrir une interprétation du réel qu’elles habitent à leur façon. Rondes ou graciles, toujours avec élégance ces sculptures respirent une plénitude qu’on atteint au-delà du tourment ou du désespoir. Elles sont étreintes d’éternité. Les photographies d’Ange Leccia n’ont rien d’une banale illustration de l’oeuvre du père. Elles font oeuvre en soi et c’est là leur percutance et leur pertinence. Pour ses prises de vue le plasticien a eu recours à un projecteur de cinéma qui éclaire les statues de telle sorte qu’à l’image elles paraissent jouer avec leurs ombres et entamer un dialogue avec elles. Mise en miroir étrange. Effet visuel en écho au mystère singulier souligné par un tirage aux reflets troublants. Tant d’évidente simplicité pour dire la complexité de ce qui nous entoure ! Pour nous inciter à dépasser formalisme et renouer avec quelque regard originel ? Peut-être… Pour nous inviter à inventer une sagesse qui serait un véritable et authentique art de vivre ? Peut-être… L’important réside finalement plus dans la question que dans la réponse.

Michèle Acquaviva-Pache

* Jusqu’à la fin septembre

« À chaque fois, j’ai l’impression de vivre une aventure. Toujours ce plaisir du montage. Toujours cet étonnement. Mais c’est la mer qui fait l’essentiel du travail, moi je ne suis qu’un sous-traitant qui compose avec l’oeuvre de la nature. »

Luc Leccia

Pourquoi le matériau galet, pierre ouvragée par la mer plutôt que la roche, la pierre provenant des terres ?

Les circonstances m’ont fait beaucoup fréquenter les bords de mer. Pendant douze ans j’ai été instituteur à Minerviu, un petit village du Cap Corse. J’ai été aussi à Calvi, à Saint Florent. Si j’étais resté à Sermano j’aurais pris une autre voie. Par exemple j’aurais pu m’intéresser aux galets de rivière !

Où avez-vous trouvé vos plus belles pierres ?

Sur la plage d’Aliso à Morsiglia. A Negru également et sur l’autre versant cap-corsin à Meria. Il y a là des gabbros de toute beauté mais difficile d’accès.

À quelle occasion cette rencontre avec le galet ?

Quand je regardais à mes pieds je voyais sur la plage des pierres qui n’étaient pas comme les autres. Certaines me suggéraient des personnages. D’autres se suffisaient à elles-mêmes. Dans la nature il y a des sons d’où la musique, des couleurs d’où la peinture, des formes d’où les galets. A moi de les mettre en valeur. Dans les années 60 j’ai découvert qu’avec perceuse et mèches à béton j’obtenais des arrangements qui donnaient l’impression de sculptures.

Comment opérez-vous le choix de tel galet plutôt que de tel autre ?

Je choisis un galet qui sort de l’ordinaire en sachant que je vais en faire quelque chose. Quoi, je l’ignore ? Alors je stocke… Car les galets ne parlent pas tout de suite. Il y a une question de temps, comme une gestation. Il faut encore penser l’assemblage de pierres qui vont bien ensemble, comme le choix des mots dans un texte qu’on veut soigner. Et puis il y a aussi l’intervention du hasard, parfois les galets d’une future statue sont là côte à côte sur la plage…

À quel moment les galets vous parlent-ils pour reprendre votre expression ?

Suivant le cadre de vue. Suivant la lumière. C’est un peu un mystère car selon les jours on est plus ou moins réceptif. En fait les galets nous interrogent. Ils déclinent leur personnalité… Il faut savoir de quel minéral ils sont faits. Volcanique ? Schiste ? Calcaire ? C’est important… A chaque fois j’ai l’impression de vivre une aventure. Toujours ce plaisir du montage. Toujours cet étonnement. Mais c’est la mer qui fait l’essentiel du travail, moi je ne suis qu’un sous-traitant qui compose avec l’oeuvre de la nature.

Dans vos sculptures le thème de la femme semble récurrent ?

… il y a aussi un côté mystique et un accent lyrique… Je suis très influencé par la musique et par les harmonies douces. Or, la créativité n’est pas agressivité. Elle est douceur et prend forme à travers la féminité. Dans le fond qu’y-a-t-il de commun à tous les arts sinon l’harmonie qu’elle soit picturale ou musicales ! Toute son existence n’est-on pas à la recherche de l’harmonie !

Certaines statues évoquent des « vierges à l’enfant » ?

Spirituellement je fréquente beaucoup la Sainte Vierge par la prière… Pendant la guerre je lui ai demandé son intercession. Elle a été un recours.

Pour dépeindre le travail de la mer sur les galets dites-nous votre expression préférée ?

Les doigts de fée de la mer. Son ouvrage est si fin qu’on ne peut qu’être émerveillé. Et ces merveilles sont assez éloquentes pour parler à ceux qui viennent les regarder.

Propos recueillis par M. A-P

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