Quelle est la caractéristique essentielle de la musique égyptienne ?
Elle se partage en deux familles musicales : la musique arabe qui compte de grands compositeurs, chanteurs, virtuoses, et la musique populaire traditionnelle. Cette dernière est elle-même divisée en quatre groupes géographiques : Delta, Haute Égypte, Nubie, Canal de Suez. Ces musiques sont d’une grande diversité par leurs instruments, leurs mélodies, leurs chants.
Quels sont les instruments les plus joués ?
Dans la deuxième famille musicale, du Delta à la Haute Égypte il y a l’ababa qu’on retrouve dans les tombes des pharaons, les cymbales, et sur le Canal de Suez un instrument très proche de la harpe pharaonique.
Partout la grande figure de la musique égyptienne c’est Oum Khalsoum. Parmi les artistes qui lui ont succédé a-t-elle des équivalents ?
Dans l’histoire de mon pays c’est un phénomène unique. Jamais une chanteuses n’a eu autant de succès partout et aussi longtemps puisque sa carrière a débuté dans les années vingt. Elle reste inégalée. Après elle on a eu de très bonnes chanteuses mais aucune n’a pu la remplacer.
Pouvez-vous nous présenter le Centre Culturel que vous dirigez ?
Nous sommes un très petit centre puisque nous ne disposons que de 120 mètres carrés sur le boulevard Saint Michel. Mais cela ne nous empêche pas d’être très actif avec une ou deux conférences par semaine, une projection hebdomadaire, une exposition tous les quinze jours, un concert tous les mois. Au centre fonctionne également une école de lutte arabe et une chorale. Nos activités sont gratuites à 95%. Dans la plupart des capitales l’Égypte a des centres culturels.
Vous êtes architecte. Comment imaginez-vous votre ville du Caire idéale ?
Comme Paris ou d’autres agglomérations d’importance elle aurait des transports en commun valables, de l’organisation, et la propreté y régnerait, et ce en conservant l’esprit cairote typique. Bref, son âme …Sans être transformée en Marais ! On aurait donc conservé sur place la population d’origine. Mais voilà qui est plus facile à dire qu’à faire dans de grosses villes avec leurs gros enjeux fonciers. C’est un défi ! Pour le relever il faut sans doute chercher du côté de Barcelone, de Palma de Majorque où des solutions ont été pensées et réalisées, ou se tourner vers Bologne …
Quelles règles suivre en matière de réhabilitation ?
Proscrire le faux. La frime. Employer des matériaux en harmonie avec le contexte. Avec le lieu. Sauver les savoir faire anciens qui sont en train de disparaître et les enseigner à nouveau.
D’après les prospectives le prochain quart de siècle devrait continuer à connaitre une urbanisation accélérée en Afrique, en Asie, au Moyen Orient et au sud de la Méditerranée. Comment faire face à l’ampleur de ce phénomène ?
Jusqu’à présent l’urbanisation de nos grandes villes est la plus grande déception des … urbanistes. Le développement explosif de mégapole est difficilement gérable sans moyen de contrôle du phénomène. Il faut que se forme une culture de la citoyenneté et exclure absolument l’idée que l’on puisse imposer des recettes recopiées à l’extérieur.
Votre définition de l’identité égyptienne ?
C’est une identité arabo-islamique avec une profondeur millénaire. Il faut voir les choses sur une longue durée : pendant quatorze siècles notre civilisation arabo-islamique s’est montrée tolérante aux deux autres religions monothéistes.
Les actuelles tensions entre coptes et musulmans ?
Le sentiment national a toujours été vif et l’occupation britannique l’a encore ravivé. Aujourd’hui avec le poids de la politique et des médias on utilise trop la religion pour manipuler le peuple. L’ignorance et la pauvreté sont des terrains fertiles pour le fanatisme.
Interview réalisée par M.A-P.