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Entretien avec Bernard Filippi

jeudi 11 août 2011, par Journal de la Corse

« L’intérêt de la peinture c’est qu’elle change la manière de regarder, qu’elle bouge les neurones, les miens et ceux des autres. »

Bernard Filippi

Pouvez-vous imaginer un monde sans couleur ?

Je marche en couleur. J’ai toujours joué avec la couleur. Parfois, j’ai eu des périodes plus sombres, plus dans la retenue, plus géométrique si je me réfère à vingt ans en arrière … Mais finalement je ne vois qu’en couleur !

Quand le bleu, ou le jaune, ou le rouge s’impose-t-il en dominante dans vos toiles ?

Rouge … bleu … jaune … ça dépend du temps qu’il fait dans ma tête. Ça dépend de la manière dont je me lève le matin. Ce qui est sûr c’est que je ne peins pas pour être triste. La couleur a un effet sur mon cerveau. Ainsi le rouge est tonifiant où exprime un désir de contact, de caresse.

On évoque souvent la violence de la lumière dans vos œuvres. Pourquoi ?

Cette violence, c’est celle d’un éclat de rire … Je travaille dans l’urgence donc avec spontanéité. Mais cette spontanéité est travaillée.

Autres caractéristiques vos tableaux suggèrent la vitesse, la fugacité, la fragilité. Qu’est-ce qui prime au fond ?

La fragilité, parce que le fait d’être vivant rend fragile. En réalité je peins comme l’oiseau chante ! Alors, est-ce que je me préoccupe du monde autour ? Du coup ma peinture apparait romantique, décalée, pas politique en tout cas.

Vous cherchez aussi à créer l’idée de mouvement ?

J’essaie de donner une impression de vie. Pour moi la peinture est un moment de transe, et je peux danser sur trois toiles à la fois. Je préfère le mot danse au mot mouvement parce que la danse est un mouvement poétisé.

A quel instant avez-vous le sentiment qu’un tableau est abouti ?

Comme en cuisine, quand ça sent bon ! Et une toile qui n’est pas aboutie, je ne l’expose pas.

Peut-on qualifier votre peinture d’abstraite ?

Disons qu’elle est dans une certaine tradition de l’expressionisme américain… avec un côté italianisant.

Les étapes de votre travail ?

Je commence par peindre des petits formats à l’aquarelle. Ça m’inspire, puis je repars sur une nouvelle piste. Des thèmes comme ici celui de la fleur ou de la main peuvent ressurgir dans d’autres tableaux. L’intérêt de la peinture c’est qu’elle change la manière de regarder, qu’elle bouge les neurones, les miens et ceux des autres. Moi, je m’inscris dans le registre de la séduction, dans la défense et l’illustration de la gentillesse… même si ça fait un peu gnangnan.

Vous peignez sans arrêt ?

J’essaie de m’organiser. Il y a des périodes où je peins moins, l’hiver par exemple, car il fait sombre. L’hiver c’est aussi le moment où prime chez moi la couleur verte tandis qu’en juin domine le rouge. Ma peinture diffère également suivant l’endroit où je suis. Certains de mes sujets peuvent devenir des thèmes. C’est le cas du rocher de Tox ! J’écris par ailleurs. En français. En corse. Parce que je suis bilingue. Corse ou français, selon la sonorité du mot. Pour le plaisir du mot.

Qu’est-ce qui vous incite à choisir un intitulé pour un tableau plutôt qu’un autre ?

Mes titres relèvent souvent du paradoxe : comme « Fragile catastrophe ». J’aime qu’ils compliquent les choses ! Ils peuvent aussi être très conceptuels.

Vingt ans après l’inauguration de la cave-galerie Orenga vous exposez à nouveau avec Jean Paul Pancrazi. Entre vous deux il y a une grande complicité ?

Avec Jean Paul on a amené l’art contemporain en Corse à la fin des années 60. Je suis coloriste. Il est matiériste. On s’est rencontré en classe de 5ème. L’amitié a persisté. La peinture également.

Propos recueillis par M. A-P

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