Jacques Follorou, journaliste au quotidien « Le Monde » spécialiste du grand banditisme, analyse et décrit les évolutions récentes qui secouent le milieu insulaire dans une enquête très documentée. La guerre des parrains corses n’est pas qu’une suite des Parrains corses. C’est le portrait précis de la mafia insulaire et son mode de fonctionnement. Un livre sur les coulisses d’un système jusqu’alors opaque.
Écrire sur le crime organisé
Il faut savoir être patient et méthodique pour reconstituer les chainons manquants, décortiquer les éléments des dossiers, un vrai travail d’enquête. Le lecteur bénéficie du travail de quinze ans d’un spécialiste du crime organisé. L’ouvrage est richement documenté, livrant parfois des dossiers de source policière et judiciaire, dense et surtout exclusive, brisant parfois le secret de l’instruction. L’auteur remonte le cours du temps, rembobinant l’histoire criminelle insulaire ; il fait partir cette histoire de novembre 2007, date d’une tentative d’assassinat sur Francis Mariani, à Sant’Andria di u Cotone. Ensuite, le journaliste applique une méthode chronologique rapprochant en un ensemble cohérent les assassinats dans l’île, les trahisons, des anciens amis qui se tirent dessus, sans oublier le projet mortifère sur un élu territorial... L’auteur met en relation les faits et replace les divers entretiens qu’il a pu avoir, avec Richard Casanova ou Antoine Nivaggioni. L’auteur donne ainsi les clés pour saisir les enjeux locaux et extra-locaux, l’enquête mettant au jour les anciens contacts en Russie et en Afrique.
Au cœur du système mafieux
Jacques Follorou raconte le fonctionnement de la mafia corse au moment où les cartes sont redistribuées à coups de calibre. En effet, entre 2006 et 2009, le système criminel qui dominait le grand banditisme français depuis 30 ans et qui étendait ses ramifications dans le monde entier s’est écroulé. Après une période de règlements de comptes, le milieu corse doit désormais composer avec des caïds des cités devenus de gros trafiquants de drogue. Cet ouvrage se penche sur les nouvelles formes de criminalité corses. Le livre décrit aussi la nature de l’emprise de la mafia sur la société corse, son économie, ses élus, les rivalités en Haute-Corse comme en Corse-du-Sud. L’asphyxie du domaine public par ces tentacules mafieuses est bien expliquée, donnant raison à cet ancien préfet qui disait « qu’en Corse, il n’y a pas de problèmes, il n’y a que des drames ». Et le mal tient en cinq lettres : mafia.
Myriam Mattei
Jacques Follorou, La guerre des parrains corses, édition Flammarion, 363 pages, 21€