Dernier salon du Livre à Paris et son succès habituel. Présence des livres corses, assurée par les éditeurs corses de l’île et du continent parmi lesquels deux professionnels ajacciens de renom. Ah ! Le livre ! Quelle progression extraordinaire en cinq siècles et demi. Depuis ce jour où Gutenberg améliora l’imprimerie par l’invention des caractères mobiles et la première impression de la Bible latine en 1455. Le livre ! Véhicule de la connaissance, des idées, de la littérature et du divertissement ! Ce plaisir de lire et de feuilleter à notre heure, de nous instruire ou de rêvasser, de suivre une intrigue, d’admirer un style, ou d’approfondir quelque connaissance. Plaisir classique pourrait-on dire. Et l’édition classique connaît ces temps-ci un nouvel engouement. De cette compétition des écrivains français historiques Guy de Maupassant est sorti vainqueur avec une envolée des ventes éclatante de 3,8 millions d’exemplaires ce dernier lustre. De Baudelaire les ventes n’arrivent qu’à 1.280.000 livres dans le même espace quinquennal. Les Corses auront, outre l’agrément de lire ou relire Maupassant, la satisfaction de retrouver un auteur qui est venu souvent en Corse, la visiter, y vivre et qui a consacré à notre île pas mal de nouvelles classiques, chroniques et articles. « Une vendetta » ou « Histoire corse » bien sûr, ou « Le monastère de Corbara » et les inévitables « Bandits corses ». Evidemment les ventes des éditeurs insulaires sont loin du compte et dépassent rarement les 500 exemplaires pour la prose. Ils ont, au cours de ce salon, attiré l’attention sur les difficultés des éditeurs et libraires corses, accrues par la progression du numérique. Deux d’entre eux, à Bastia et Calvi, ont fermé boutique récemment. Le seul qui se soit déclaré satisfait est un éditeur corse qui avait décidé voici une décennie de s’installer sur le Continent. Ces difficultés, malgré l’assistance de la Collectivité territoriale, en disent long sur cette profession en péril qui l’est davantage dans l’île. Et en dit long aussi sur la situation du livre écrit en langue corse. Ses textes n’occupent guère plus de 10% de la production en français. Cela donne un aperçu cruel sur la connaissance de leur propre idiome par les lecteurs d’origine corse, le français étant devenu la langue maternelle de la majorité des insulaires. Mais les libraires en général, de même que les éditeurs ont eu à faire face cette année, pour la bande dessinée à la concurrence des « mangas » japonais. Ils sont devenus les idoles des jeunes au détriment du reste. Il est curieux tout de même, en notre période de polars particulièrement noirs, de films d’action, de westerns, et de séries télévisées pétaradantes que les aventures de cape et d’épée soient oubliées au moins pour les rééditions. Ainsi Michel Zevaco, grand écrivain de romans populaires demeure absolument ignoré du lectorat corse. De nombreux feuilletons furent publiés sous sa signature dans « Le Matin » au début du dernier siècle. Ils ont été ensuite réédités en volumes. Les anciens de cette île ont connu les Pardaillan, les Fausta, les Capitan et Triboulet. Il est inconnu des nouvelles générations. Pourquoi ? On y reviendra dans une prochaine chronique.
Marc’Aureliu Pietrasanta