Dominique Vincenti sort chez « Angelina Productions » l’album « Per tè ». Un beau et rare moment d’émotion.
François et Dominique Vincenti… Ils sont de ceux qui ont réveillé la « Belle au bois dormant » qu’était la chanson corse roupillant sur des standards très souvent vieillots. Ce miracle, les frères balanins l’ont réalisé malgré un demi-siècle d’exil à Paris. Faut-il souligner qu’on leur est redevable de tant et tant de titres qui chantent et enchantent nos mémoires ! Pour éviter tout lyrisme superfétatoire on se bornera à citer : « U traguglinu », et « Chi fà… », voilà qui suffit à la sobriété du rappel d’une riche carrière en duo. « Per tè » c’est onze chansons qui portent toutes l’emprunte du frère disparu. « Per tè », cinq titres en corse, six en français dont la plupart inédits. Des chansons qui disent des histoires drôles ou tragiques épousant les variables lumineuses ou opaques de la vie qui va. Échos d’un passé proche, époque difficile, tendrement restituée, démaquillée de cette nostalgie douçâtre qui rend fade les saveurs les plus délicates. Bel hommage à Félix Leclerc, un peu trop oublié aujourd’hui. Bouleversante évocation du père emporté dans une lointaine Allemagne par l’ouragan de la défaite de 40. Accents d’une sincérité généreuse – de celle qui ne trompe pas – dans cette peinture de l’étranger à qui l’hospitalité est donnée sans rien attendre en retour. Compassion dénuée de mièvrerie dans ces « Nécessiteux », qui poches trouées vont au bistrot dépenser un peu de ce temps de vie qui se crapahute insolent au cadran de leur horloge. En langue corse Dominique Vincenti nous emmène d’un souffle, du clin d’œil amusé et rythmé de « A suppa di musu » à la gravité juste de « A Bandera », en un ample panorama de sentiments, de sensations, de réflexions. Mention particulière à ce « Tzigane » qui chante cette musique jaillie entre Danube et Vistule qu’aime tellement Dominique Vincenti parce qu’elle échappe à norme et schéma classique ce qui explique – peut- être – qu’on la retrouve ici dans l’expression musicale traditionnelle.
Michèle Acquaviva-Pache