Fables inachevées est la traduction de Davantu u focu chi more, un recueil de nouvelles que l’auteur donne à lire en français cette fois-ci. Pierre-Joseph Ferrali signe ce passage d’une langue à l’autre sans retirer l’essence poétique et dramatique, en respectant le ton et le rythme qu’il avait initialement donné, mais en donnant une autre densité, propre à la langue française.
Le fantastique au rendez-vous
« Misericordia », commence par un enfantement et se poursuit dans une spirale de violence, comme une rupture entre la nature, l’ordre naturel, et la construction sociétale voulue par l’humanité, une rupture brutale, où le fantastique vient un peu atténuer cette inhumanité crue et féroce. « L’homme qui marche » n’emprunte pas moins au fantastique avec cet homme seul qui dévore littéralement les livres. Un vagabond qui prend la figure d’une obsession pour le narrateur, autre héros des livres par sa profession de bibliothécaire. Mais le fantastique n’est pas le seul fil rouge de ces nouvelles. Le sacré est aussi au rendez-vous, la religion est présente, presque obscurantiste, l’auteur manie les archétypes très chrétiens, tout en sacrifiant les innocents, sans paradoxe, en faisant clairement référence au poids que cela représente dans l’éducation, aux ramifications que la religion a dans la société et les comportements. Sacré et violence sont combinés, comme entremêlés, clairement présents ou en filigrane.
Un certain regard
Qu’elles soient en français ou en corse, les cinq nouvelles de ce recueil ne transpirent ni l’humour, ni la gaité, bien au contraire. Entre réalisme et fantastique, mêlant drame et côté sombre de l’humanité, où les innocents sont toujours les victimes. Pierre-Joseph Ferrali ne ménage pas ses lecteurs, il les malmène, les pousse à explorer l’existence à travers son écriture intransigeante, qui fait exister des êtres qu’il tire comme du néant. Il perd parfois les lecteurs dans les méandres de l’histoire, variant les styles, les rythmes, les conduisant sans ménagement vers la chute inattendue, que l’action ne faisait pas présager. Les nouvelles en corse étaient déjà accessibles, avec une certaine poésie. Ces traductions ne font qu’ajouter à cette écriture fouillée et recherchée à laquelle tient Pierre-Joseph Ferrali.
Myriam Mattei
Pierre-Joseph Ferrali, Fables inachevées, Colonna édition, 186 pages, 15 €